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A.R. (F)

4ème CHAMBRE

28 JUILLET 1997

AFF.: MINISTERE PUBLIC

C./ - V. Y.
  - Q. L.
  - C. D.
  - P. épouse H. G.
  - CA. H.
  - R.Y épouse P. D.
  - C. JP.
  - C. épouse G. D.
  - M. épouse B. C.
  - D. épouse G. P.
  - B. A.
  - B. épouse R. MA.
  - T. épouse C. E.
  - M. J.
  - B. L. M.

APPEL d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de LYON (13eme Chambre) du 22 novembre 1996 par les prévenus J.-J. M., C. M. épouse B., A. B., L. Q., D. C., G. P. épouse H., H. CA., D. R.Y épouse P., P. D., MA. B. épouse R., E. T. épouse C., Y. V., L. M. B. et le Ministère Public contre tous les prévenus.

        Audience publique de la quatrième Chambre de la Cour d'Appel de LYON, jugeant correctionnellement du LUNDI VINGT HUIT JUILLET MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX SEPT.

        ENTRE :

        Monsieur le PROCUREUR GENERAL, INTIME et POURSUIVANT l'appel émis par Monsieur le Procureur de la République de
LYON.

        ET:

        1°) V. Y., né [..] à CHAMPIGNY (89), de F. et de L. N., de nationalité française, vit en concubinage, 2 enfants, technico-commercial, demeurant [XXXXXXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENU LIBRE
        Présent à la Barre de la Cour, assisté de Maître M., Avocat APPEL au Barreau de PARIS.
        APPELANT et INTIME

        2°) Q. L., J., F., né le 13 mai 1968 à LYON 3ème (Rhône), de M. et de A. S., de nationalité française, célibataire, employé en informatique, demeurant [XXXXXXXXX] Pas de condamnation au casier judiciaire.


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        PREVENU LIBRE
        Présent a la Barre de le Cour, assisté de Maître M. O., Avocat au Barreau de Paris, Maître S. P., Avocat au Barreau de Lyon, Maître D.-A., Avocat eu Barreau de Bordeaux.
        APPELANT et INTIME.

        3°) C. D., C., A., né le 9 août 1966 à LYON 2ème (Rhône), de C. et de A. R., de nationalité française, marié, chef de rang dans un restaurant, demeurant [XXXXXXXXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENU LIBRE
        Présent à la Barre de la Cour, assisté de Maître M. O., Avocat au Barreau de Paris, Maître S. P., Avocat au Barreau de Lyon, Maître D.-A., Avocat au Barreau de B0RDEAUX.
        APPELANT et INTIME.

        4°) P. G., C., J., épouse H., née le [..] à MARSEILLE (13), de H. et de R. K., de nationalité française, mariée, secrétaire pédagogique, demeurant [XXXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENUE LIBRE
        Présente à la Barre de la Cour, assistée de Maître M. O., Avocat au Barreau de Paris, Maître P. Avocat au Barreau de Lyon, Maître D.-A., Avocat au Barreau de Bordeaux.
        APPELANTE et INTIMEE.

        5°) CA. H., L., né le [..] à LYON 4ème (Rhône), de G. et de J. D., de nationalité française, marié, 2 enfants, membre actif de l'Eglise de Scientologie, demeurant [XXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENU LIBRE
        Présent a la Barre de la Cour, assisté de Maître M. O., Avocat au Barreau de Paris, Maître S. P., avocat au Barreau de Lyon, Maître D.-A.. Avocat au Barreau de Bordeaux
        APPELANT et INTIME.

        6°) R.Y D., M., épouse P., née le [..] à PARIS 10ème (75), de D. et de A. R., de nationalité française, mariée, 2 enfants, membre permanent de l'Eglise de Scientologie, demeurant [XXXXXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENUE LIBRE (détenue dans cette affaire du 24 octobre 1990 en vertu d'un mandat de dépôt au 5 novembre 1990)
        Présente à la Barre de la Cour, assistée de Maître M. O., Avocat au Barreau de Paris, Maître P., Avocat au Barreau de Lyon, Maître O., Avocat au Barreau de Paris, Maître D.-A., Avocat au Barreau de Bordeaux.
        APPELANTE et INTIME.

        7°) C. JP., M., né [..] à LA TRONCHE (38), de P. et de J. D., de nationalité française, divorcé, vit en concubinage, 5 enfants, cadre informatique, demeurant [XXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENU LIBRE détenu dans cette affaire du 6 juillet 1990 en vertu d'un mandat de dépot au 25 juillet 1990) Présent à la barre de la Cour, assisté de maître F. Avocat au Barreau de Paris.
        INTIME.


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        8°) C. D.. A.. épouse G., née le [..] à CHAILLE SOUS LES ORMEAUX (85), de H. et de J. L., de nationalité française, mariée, 2 enfants, permanente de l'Eglise de Scientologie en Ile-de-France, demeurant [XXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENUE LIBRE (détenue dans cette affaire du 6 juillet 1990 en vertu d'un mandat de dépôt au 25 juillet 1990)
Présente à la Barre de la Cour, assistée de Maître F., Avocat au Barreau de Paris.
        APPELANTE et INTIMEE.

        9°) M. C., R., J., épouse B., née le
[..] à LYON 3ème (Rhône), de J. et de D. D., de nationalité française, mariée, membre permanent de l'Eglise de Scientologie, demeurant [XXXXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENUE LIBRE (détenue dans cette affaire du 28 juin 1990 en vertu d'un mandat de dépôt au 10 juillet 1990)
        Présente à la Barre de la Cour, assistée de Maître M. O., Avocat au Barreau de Paris, Maître P., Avocat AU Barreau de Lyon, Maître O., Avocat au Barreau de Paris, Maître D.-A., Avocat au Barreau de Bordeaux.
        APPELANTE et INTIMEE.

        10°) D. P., G., épouse G., née le [..] à LYON 4ème (Rhône), de G. et de A. B., de nationalité française, mariée, membre permanent de l'Eglise de Scientologie d'Ile-de-France, demeurant .[XXXXXXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENUE LIBRE
        Présente à la Barre de la Cour, assistée de Maître M. O., Avocat au Barreau de Paris, Maître O., Avocat au Barreau de Paris, Maître S. P., Avocat au Barreau de Lyon, Maître D.-A., Avocat au Barreau de Bordeaux.
        APPELANTE ET INTIMEE.

        11°) B. A., né le [..] à CHAZELLES SUR LYON (Loire), de R. et de C. C., de nationalité française, marié, plombier, demeurant [XXXXXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENU LIBRE (détenu dans cette affaire du 28 juin 1990 en vertu d'un mandat de dépôt au 1O juillet 199O)
        Présent à la Barre de la Cour assiste de Maître M., Avocat au Barreau de Paris, Maître P. Avocat au Barreau de LYON, Maître D.-A., Avocat au Barreau de Bordeaux.
        APPELANT et INTIME.

        12°) B. MA., J., épouse R., née le [..] à S. ETIENNE EN COGLES (35), de E. et de MA. H., de nationalité française, mariée, 3 enfants, membre actif de l'Eglise de Scientologie, demeurant [XXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENUE LIBRE (détenue dans cette affaire du 24 octobre 1990 en vertu d'un mandat de dépôt au 5 novembre 1990)
        Présente à la Barre de la Cour, assistée de Maître M. O., Avocat au Barreau de Paris, Maître S. P., Avocat au Barreau de Lyon, Maître D.-A., Avocat au Barreau de Bordeaux.
        APPELANTE et INTIMEE


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        13°) T. E., C., épouse C., née le [..] à LYON 2ème (Rhône), de M. T., de nationalité française, mariée, 2 enfants, comptable demeurant [XXXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENUE LIBRE
        Présente à la Barre de la Cour, assistée de Maître M. O., Avocat au Barreau de Paris, Maître P. Avocat au Barreau de Lyon, Maître D.-A., Avocat au Barreau de Bordeaux.
        APPELANTE et INTIMEE.

        14°) M. J.-J., M., né le 28 août 1943 à LYON 6ème (Rhône), de J. et de F. L., de nationalité française divorcé, vit en concubinage, 4 enfants, formateur en informatique, demeurant [XXXXXXXXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENU LIBRE.(détenu dans cette affaire du 6 juillet 1990 en vertu d'un mandat de dépôt au 25 juillet 1990)
        Présent à la Barre de la Cour, assisté de Maître L., Avocat au Barreau de Paris.
        APPELANT et INTIME.

        15°) B. L., M., né le [..] à LE PUY EN VELAY (43), de P. et de M. R., de nationalité française, célibataire, prêtre de la Congrégation de la Sainte Famille, [XXXXXXXXX]. Pas de condamnation au casier judiciaire.
        PREVENU LIBRE
        Présent à la Barre de la Cour, assisté de Maître V. J.-Luc, Avocat au Barreau de Lyon.
        INTIME et APPELANT

        ET ENCORE:

        - Madame C. D.
        - Monsieur P. G.
        - Madame MT. M.

élisant domicile chez Maître P., Avocat au Barreau de MARSEILLE, 2 rue Edouard Delanglade (13006) MARSEILLE.
        PARTIES CIVILES
        Présentes a la Barre de la Cour, assistées de Maître P.. Avocat au Barreau de Marseille.
        INTIMEES.

        Madame VIC née MONDET Nelly, demeurant[XXXXXXXX], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs.
        PARTIE CIVILE
        Présente à la Barre de la Cour, assistée de Maître L., Avocat au Barreau de Lyon.
        INTIMEE.

        Par jugement en date du 22 novembre 1996 le Tribunal de Grande Instance de LYON ( 13ème Chambre), statuant sur les poursuites diligentées a l'encontre des prévenus : Y. V., L. Q., D. C., G. P. épouse H., H. CA., D. R.Y épouse P., JP. C., D. C. épouse G., C. M. épouse B., P. D. épouse G., A. B., MA. B. épouse


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R., E. T. épouse C., J.-J. M. et L. M. B., des chefs d'avoir:

        J.-J. M., à LYON (Rhône), le 24 mars 1988, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

        - par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, causé la mort de Patrice VIC,

- Faits prévus et réprimés par les articles 319 de l'ancien Code pénal, 221-6, 221-8, 221-9, 221-10 et 221-6 du Code pénal;

        A. B., C. M. épouse B., J.-J. M., G. P. épouse H., L. Q. et D. C., dans l'arrondissement de LYON (Rhône), courant 1987, 1988, 1989 et 1990, en tout cas depuis temps non prescrit,

        - en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en tant que Président, Trésorier ou Superviseur de l'Eglise de Scientologie et du Centre de Dianétique de LYON, exercé individuellement des responsabilités consistant à promouvoir la doctrine de RON HUBBARD, intitulée Dianétique ou à soumettre ceux qui adhéraient à ladite secte à des pratiques coûteuses sous forme de séances dites d'audition ou de cures de purification, ayant un caractère tant pseudo-médical que pseudo-scientifique, en raison de l'utilisation abusive d'un appareil appelé électromètre,

        - trompé une trentaine de victimes répertoriées (cf. tableau en annexe) et de les avoir ainsi déterminées, à leur préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des sommes d'argent ou à consentir un service à l'Eglise de Scientologie sans proportion notamment avec la valeur effective des prestations frauduleuses fournies,

Faits prévus et réprimés par l'article 405 de l'ancien Code pénal et des articles 313-1, 313-7 et 313-8 du Code pénal;

        D. C. épouse G., Y. V., JP. C., P. D. épouse G., E. T. épouse C., H. CA., D. R.Y épouse P., MA. B. épouse R., L. M. B., pour s'être, à PARIS et à LYON, en tout cas sur le territoire national, courant 1987, 1988, 1989 et 1990, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

        - sciemment rendus complices par aide ou assistance des délits d'escroqueries commis par les personnes susvisées, en facilitant leur préparation ou leur consommation, notamment en usant de prérogatives et de l'autorité morale que pouvait leur conférer l'appartenance à l' Eglise de Scientologie, ou à l'une de ses associations satellites, en qualité de responsable reconnu susceptible de provoquer ou de donner des instructions pour commettre lesdites escroqueries.

Faits prévus et réprimés par les articles 59, 60 et 405 de l'ancien Code pénal, 121-4, 313-1, 313-7 et 313-8 du Code Pénal;


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        a:

        - relaxé des fins de la poursuite du chef de complicité d'escroquerie: D. C. épouse G., JP. C.,

        - requalifié le délit de complicité d'escroquerie reproché à H. CA. et D. R.Y épouse P., en délit d'escroquerie et les a déclarés coupables de ce délit ainsi requalifié.

        - requalifié le délit d'escroquerie au préjudice de Monsieur VIC reproché à J.-J. M., en délit de tentative d'escroquerie et déclaré coupable de ce délit ainsi requalifié,

        - déclaré J.-J. M., C. M. épouse B., A. B., G. P. épouse H., L. Q., D. C., Y. V., P. D., MA. BEAUDRY épouse R., E. T. épouse C. L. M. B., coupables des faits d'homicide involontaire, tentative d'escroquerie, escroqueries, complicité d'escroquerie et abus de confiance visés à la prévention, en répression, a condamné :

        * J.-J. M. à la peine de TROIS ANS d'emprisonnement dont DIX-HUIT MOIS avec sursis et CINQ CENT MILLE FRANCS d'amende (500.000 francs),
        Prononcé à son encontre l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pendant cinq ans ainsi qu'une exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans;

        * C. M. épouse B. à la peine de DEUX ANS d'emprisonnement avec sursis et CINQUANTE MILLE FRANCS d'amende (50.000 francs),
        Prononcé à son encontre l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de trois ans;

        * A. B. à la peine de UN AN d'emprisonnement avec sursis et QUINZE MILLE FRANCS d'amende (15.000 francs),

        * G. P. épouse H. à la peine de * DIX-HUIT MOIS d'emprisonnement avec sursis,
        Prononcé à son encontre l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de trois ans,

        * D. C. a la peine de NEUF MOIS d'emprisonnement avec sursis et DIX MILLE FRANCS d'amende (10.O00 francs),

        * H. CA. a la peine de DIX-HUIT MOIS d'emprisonnement avec sursis et VINGT CINQ MILLE FRANCS d'amende (25.000 francs),
        Prononcé à son encontre l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de trois ans;

        * D. R.Y épouse P. à la peine de DIX-HUIT MOIS d'emprisonnement avec sursis et VINGT CINQ MILLE FRANCS d'amende (25.000 francs),
        Prononcé à son encontre l'interdiction des droits civiques. civils et de famille pour une durée de trois ans,

        * P. D. à la peine de HUIT MOIS d'emprisonnement avec sursis et DIX MILLE FRANCS d'amende (10.000 francs),

        * L. Q. à la peine de HUIT MOIS d'emprisonnement avec sursis et DIX MILLE FRANCS d'amende (10.000 francs),


A N N E X E de la page 5

PARTIES CIVILES

REFERENCE NOM DATE CONSTITUTION DATE
DESISTEMENT
F2 G. Y.
(Vice-Pdt ADFI)
6 Juillet 1990 Annulation C.
Cass.30/10/95
F8 G. S. 6 Juillet 1990 Décédée le 9
Novembre 1994
F16 T. J.
(Vice-Pdt UNDFI)
2 Août 1990 Annulation C.
Cass.30/10/95
F21 D. C. 19 Septembre 1990 -
F23 C. J. 5 Octobre 1990 -
F25 S. S. 8 Novembre 1990 -
F27 VIC Nelly 7 Décembre 1990 -
F30 F32 C. S. 18 Décembre 1991 16 Mai 1994
F34 G. P. 22 Octobre 1990 -
F44 M. MT. 4 Décembre 1991 -
F36 C. ML
épouse T.
19 Novembre 1991 -
H-III 6 B. L. 5 Octobre 1990 29 Avril 92
H-III 9 C. C. 5 Octobre 1990 28 Janvier 1992
H-III 12 B. B. 5 Octobre 1990 28 Janvier 1992
H-III 15 K. C. 22 Octobre 1990 8 Septembre 92
H-III 19 D. E. 7 Novembre 1990 10 Décembre 92
H-III 22 R. H. 7 Novembre 1990 5 Octobre 1992
H-III 26 S. P. 8 Novembre 1990 19 Août 1992
H-III 29 B. M. 8 Novembre 1990 20 Juillet 92
H-III 34 G. F. 7 Décembre 1990 26 Janvier 93
H-III 38 M. Y. 24 Avril 1991 14 Mai 1991
H-III 42 V. C. 5 Octobre 1990 19 Juin 1991
H-III 46 Bis C. J. 13 Septembre 1990 12 Octobre 1991
H-III 49 C. V. 14 Août 1990 12 Octobre 1991
H-III 51 F. G. 6 Juillet 1990 7 Janvier 93
H-III 58 S. P. 13 Novembre 1990 21 Juillet 93
H-III 62 C. B. 5 Octobre 1990 6 Juin 1993
H-III 65 B. Y. 13 Août 1990 16 Juin 1993
H-III 69 C. C. 6 Juillet 1990 23 Juin 1993
H-III 77 M. F. 14 Avril 1993 11 Octobre 93
H-III 82 D. C. 27 Décembre 1990 21 Octobre 93
H-III 85 B. J.-C. 5 Décembre 1990 Absence date



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        * MA. B. épouse R. à la peine de HUIT MOIS d'emprisonnement avec sursis et DIX MILLE FRANCS d'amende (10.000 francs),

        * Y. V. à la peine de HUIT MOIS d'emprisonnement avec sursis et DIX MILLE FRANCS d'amende (lO.OOO francs),

        * Évelyne T. épouse C. à la peine de HUIT MOIS d'emprisonnement avec sursis et DIX MILLE FRANCS d'amende (10.000 francs)

        * L. M. B. à la peine de SEIZE MOIS d'emprisonnement avec sursis et VINGT MILLE FRANCS d'amende (20.000 francs);

        - dit que la présente procédure est assujettie à un droit fixe de procédure dont est redevable chaque condamné;

        - fixé la durée de la contrainte par corps conformément à loi;

        Sur l'action civile:

        - reçu en leur constitution Madame MT. M., Madame Nelly VIC née MONDET, Madame C. D. et Monsieur P. G., parties civiles intervenantes,

        - condamné solidairement L. M. B., J.-J. M., C. M. épouse B., D. R.Y épouse P., G. P. épouse H. et D. C. à verser a Madame MT. M.:
        * 328.287,40 francs en réparation du préjudice matériel
        * 60.000 francs en réparation du préjudice moral
        * 10.000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

        - condamné solidairement P. D., J.-J. M., C. M. épouse B. à verser à Monsieur P. G. :
        * 4.000 francs en réparation du préjudice matériel
        * 4.000 francs en réparation du préjudice moral,
        * 4.000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

        - condamné solidairement J.-J. M. et C. M. épouse B. a verser à Madame C. D. :
        *10.000 francs en réparation du préjudice matériel
        *10.000 francs en réparation du préjudice moral,
        * 4.000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

        - condamné J.-J. M. à verser à Madame Nelly VIC née MONDET, agissant en son nom personnel :


8

        * 1 franc à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral du fait de la tentative d'escroquerie.
        * 80.000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral du fait de l'homicide involontaire;

        - condamné J.-J. M. à verser à Madame Nelly VIC née MONDET, agissant en qualité du représentant légal de ses deux enfants mineurs ;
        * 1 franc à titre de dommages-intérêts à chacun d'eux en réparation du préjudice moral du fait de la tentative d'escroquerie,
        * 80.000 francs à chacun d'eux à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral du fait. de l'homicide involontaire;

        - condamné J.-J. M. à verser à Madame Nelly VIC née MONDET agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs, la somme de 20.000 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

        - dit que le partie des cautionnements versés par les prévenus au titre du contrôle judiciaire sera affectée en priorité à la réparation des dommages causés par les infractions,

        - condamné solidairement J.-J. M., C. M. épouse B., D. R.Y épouse P., G. P. épouse H., D. C., P. D., L. M. B. aux frais de l'intervention des parties civiles;

        La cause a été appelée à l'audience publique des 2, 3, 4, et 5 juin 1997;

        Monsieur le Président FINIDORI a fait le rapport;

        Il a été donné lecture des pièces de la procédure;

        Les prévenus ont été interrogés sur leur identité par Monsieur le Président et ont fourni leurs réponses;

        Maître L., Avocat au Barreau de Paris, a déposé des conclusions tendant à l'annulation de la procédure et à l'organisation d'une expertise, et les a développées,

        Maître M., Avocat au Barreau de Paris, a déposé des conclusions tendant à l'annulation de la procédure, à l'audition de témoins, à un supplément d'information et à l'irrecevabilité de l'action civile de MT. M., et les a développées,

        Mître F., Avocat au Barreau de Paris a soutenu les conclusions déposées par Mître LEB0RGNE et Maître M.

        Monsieur VIOUT, Avocat Général a été entendu en ses réquisitions;

        Maître L., Avocat au Barreau de Lyon et Maître P., Avocat au Barreau de Marseille, ont été entendus pour les parties civiles;

        Maître L., Avocat au Barreau de Paris, en défense pour J.-J. M., et les prévenus ont eu la parole en dernier;

        Après en avoir délibéré, la Cour a joint au fond les incidents et demande invoqués par les prévenus;

        Les débats ont été repris.

        Les prévenus ont été interrogés par Monsieur le Président et ont fourni leurs réponses;

        Maître MAISONEUVE, Avocat au Barreau de Paris a présenté la défense du prévenu Y. V.


9

        Maître O. Avocat au Barreau de Paris, a présenté la défense des prévenus P. D., C. M. épouse B., D. R.Y épouse P.;

        Maître D.-A., Avocat au Barreau de Bordeaux, a présenté la défense des prévenus A. B., MA. B. épouse R., H. CA., D. C., P. D., C. M. épouse B., G. P. épouse H., L. Q., D. R.Y épouse P., E. T. épouse C.;

        Maître S. P., Avocat au Barreau de Lyon, a présenté la défense des prévenus MA. B. épouse R., H. CA., D. C., P. D., L. Q.,

        Maître P., Avocat au Barreau de Lyon a présenté la défense des prévenus A. B., C. M. épouse B., G. P. épouse H., D. R.Y épouse P., E. T. épouse C.;

        Maître M., Avocat au Barreau de Paris, a présenté la défense des prévenus A. B., MA. B. épouse R., H. CA., D. C., P. D., C. M. épouse B., G. P. épouse H., L. Q., D. R.Y épouse P., E. T. épouse C.;

        Maître L., Avocat au Barreau de Paris, a présenté la défense du prévenu J.-J. M.;

        Maître V., Avocat au Barreau de Lyon, a demandé à être entendu avant le Ministère Public et a présenté la défense du prévenu L. M. B.;

        Monsieur VIOUT, Avocat Général, a résumé l'affaire et a été entendu en ses réquisitions;

        Maître L., Avocat au Barreau de Lyon, a déposé des conclusions pour la partie civile Madame MONDET Nelly veuve VIC et les a développées dans sa plaidoirie;

        Maître P., Avocat au Barreau de Marseille, a déposé des conclusions pour les parties civiles C. D., P. G., MT. M. et les a développées dans sa plaidoirie;

        Maître F., Avocat au Barreau de Paris, a présenté la défense des prévenus JP. C. et D. C. épouse G.:

        Les prévenus et leurs avocats ont eu la parole en dernier;

        Sur quoi, la Cour a mis l'affaire en délibéré et a renvoyé le prononcé de son arrêt, après en avoir avisé les parties, à l'audience publique de ce jour en laquelle, la cause à nouveau appelée, elle a rendu l'arrêt suivant :

        Le 24 mars 1988, vers 5 heures, Patrice Vic âgé de 31 ans, exerçant la profession de dessinateur industriel, se suicidait en se jetant par la fenêtre de son appartement au douzième étage d'un immeuble situé à Lyon la Duchère.

        Atteinte polytraumatisme, la victime décédait sur le coup.


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        Au domicile de Patrice VIC étaient retrouvées des gélules d'oxadilène, vasodilatateur inscrit au tableau A et d'orabilix produit de contraste utilisé en radiographie.

        Madame Nelly VIC, née MONDET, épouse du défunt, précisait que son mari connaissait depuis deux ans des passages dépressifs et fréquentait depuis plusieurs mois le Centre de dianétique, installé 45 rue Edouard Herriot à Lyon, affilié à l'Eglise de Scientologie et dirigé par J.-J. M., président de cette association depuis sa création en 1986.

        Madame Nelly VIC ajoutait que son mari avait suivi au Centre de dianétique des cours d'intégrité et de communication, accompagnés de prises de vitamines ayant eu pour effet de provoquer un état de fatigue latent et d'altérer son comportement.

        Dans le même temps, J.-J. M. l'avait harcelé afin qu'il suive une cure de purification devant coûter 30.000 francs. Le 23 mars 1988, J.-J. M. s'était même rendu à leur domicile afin de convaincre les époux VlC d'accepter cette cure. Malgré l'opposition de Madame VIC, il avait été néanmoins décidé que J.-J. M. accompagnerait Patrice VIC le 24 mars 1988 dans un établissement bancaire afin de souscrire un emprunt.

        Sur l'agenda de J.-J. M. était apposée une mention indiquant que celui-ci devait rappeler Patrice VIC le 24 mars 1988 à 8 heures 45. Effectivement, J.-J. M. avait rappelé à l'heure dite et avait appris de Madame Nelly VIC le suicide de son mari, nouvelle qui avait provoqué, selon elle, la réaction suivante "Ah, le con !".

        Sur plainte avec constitution de partie civile de Madame Nelly VIC née MONDET était ouverte le 17 août 1989 une information des chefs de tentative d'escroquerie, exercice illégal de la médecine, infraction à la législation sur les substances vénéneuses et les produits stupéfiants. Le 11 juillet 1990 était pris un réquisitoire supplétif du chef d'homicide involontaire.

        L'information révélait que l'Eglise de Scientologie disposait à Lyon de deux implantations, constituées sous forme d'association:

        - la première, dite Centre de dianétique, sise 45, rue du Président Edouard Herriot, présidée depuis 1986 par son fondateur, J.- J. M.,

        - la seconde, dite Eglise de Scientologie, située 3 place des Capucins à Lyon 1 er, présidée initialement par L. TREUTHARD, remplacée le 28 mars 1990, par P. D., elle-même remplacée à partir du mois de mars 1991 par D. R.Y épouse P..

        L'Eglise de Scientologie, apparue en 1954 aux Etats-Unis, a été fondée par Lafayette RON HUBBARD, connu jusqu'alors comme écrivain de science fiction. L'oeuvre philosophico-religieuse de RON HUBBARD constitue les Ecritures de cette Eglise, dont, selon ses adeptes, la démarche est celle d'une religion naturelle fondée sur les inspirations de la raison, comme le bouddhisme, et non celle d'une religion révélée comme le christianisme. Elle s'apparenterait à une philosophie religieuse et spirituelle impliquant une élévation personnelle de sa propre conscience et de sa propre spiritualité par la maîtrise progressive des émotions. Elle viserait à une harmonie aussi parfaite que possible avec soi-même, les autres et l'ensemble des forces du monde pour aider les fidèles à mener une vie plus heureuse en développant leurs propres capacités.

        N'imposant pas de réponse unique à la question de la transcendance, elle reconnaît l'existence d'un être suprême, mais laisse à chacun la liberté de l'appréhender, selon sa sensibilité, son éducation ou sa propre compréhension, si bien que la Scientologie ne serait pas incompatible avec d'autres religions comme le catholicisme par exemple.


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        Elle enseigne que l'esprit survit après la mort et que le salut dépend directement des actions de la personne et de le voie prise par celle-ci.

        Les buts déclarés sont "une civilisation sans démence, sans criminels et sans guerre, dans laquelle les êtres capables puissent prospérer et les honnêtes gens voir leur droits respectés et où l'Homme soit libre d'atteindre les sommets plus élevés"

        Le Credo de l'Eglise de Scientologie fait allusion, dans son langage, à la dignité et aux droits de l'homme et notamment à la liberté religieuse. Il proclame que l'homme est fondamentalement bon et que l'étude du mental ainsi que la guérison des maladies d'origine mentale ne devraient pas être séparées de la religion, ni tolérées dans des domaines non religieux, doctrine expliquant les relations conflictuelles que la Scientologie entretient avec les psychiatres et la psychiatrie.

        Par ailleurs, les ministres du culte célèbrent des baptêmes, des mariages, des funérailles, ainsi que des offices le dimanche.

        Née au Etats-Unis, l'Eglise internationale de Scientologie a son siège à Los Angeles dans l'état de Californie.

        Si l'organisation apparaît à la fois complexe, bureaucratique. centralisée et hiérarchisée il est permis de distinguer l'existence :

        - d'un centre de formation supérieure implanté à Clearwater en Floride (Etats-Unis),

        - d'organisations avancées, comme celle de Copenhague au Danemark, assurant certains degrés de formation et dirigeant les églises et missions nationales en Europe.

        A l'intérieur de chaque pays, les églises ou missions constituées sous forme d'associations théoriquement indépendantes les unes des autres, entretiennent néanmoins certains liens d'entraide ou de collaboration.

        Autour de ces associations, gravitent de nombreuses autres sociétés ou associations dirigées plus ou moins discrètement par des membres de l'Eglise de Scientologie et pouvant avoir pour objet soit l'étude des langues, soit la promotion de l'art, de la culture, du dessin, soit la formation des cadres du commerce ou de l'industrie, afin de favoriser l'expansion de la doctrine.

        D'autres associations comme le Comité des citoyens pour les droits de l'homme, dont l'appellation peut créer une équivoque avec des associations reconnues, ont pour mission de défendre l'Eglise de Scientologie contre les attaques et les mises en cause et de confondre ses détracteurs.

        L'Eglise de Scientologie entend également lutter contre la toxicomanie et le crime par le biais d'associations telles que NARCONON et CRIMINON.

        Ainsi organisée, l'Eglise de Scientologie compterait dix millions d'adeptes dans le monde et quelques dizaines de milliers en France.

        Les techniques de la Scientologie constituées par l'audition, l'audition avec électromètre et les cures de purification ont été vivement discutées par le docteur A., expert commis par le magistrat instructeur.

        Selon lui, L'audition se présentant comme un banal entretien entre l'auditeur et "l'audité", en quelque sorte l'élève, constituerait un instrument de domination sur les personnes malléables ou trop confiantes susceptible d'entraîner au mieux des troubles affectifs et des crises


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émotionnelles et au pire des troubles hallucinatoires ou des délires pouvant entraîner la mort par suicide.

        L'audition avec électromètre, appareil électrique ayant pour objet de mesurer les variations de l'état mental du sujet par les modifications importantes de la résistance électrique, s'inscrirait dans le cadre d'une thérapie de conditionnement répressive, très éloignée de la quête de liberté ayant servi à séduire l'intéressé.

        La cure de purification présentée comme visant à l'amélioration spirituelle et physique des personnes, par le biais de séances de sauna, d'efforts physiques, notamment la course à pied, de régime alimentaire et de prises de vitamines, constituerait un amalgame d'affirmations gratuites et d'hypothèses fantaisistes et serait très efficace dans le cadre d'une manipulation mentale pouvant devenir létale par ses effets toxiques directs ou indirects, en créant chez le sujet une susceptibilité particulière le rendant apte à déclencher une pathologie psychiatrique avec conduites dangereuses ou suicidaires.

        En définitive, après étude des écrits scientologiques, analyse des dossiers d'adeptes et examen des pratiquants, le docteur A. concluait que la Scientologie était une secte utilisant des techniques médicales et paramédicales essentiellement psychiatriques afin de provoquer l'endoctrinement, la manipulation mentale et la soumission des sujets psychologiquement fragiles ou immatures pouvant entraîner la folie ou la mort. Selon lui, l'argument religieux servirait de couverture à la recherche de profits économiques, les différents services proposés par la Scientologie étant facturés fort cher.

        Dans cette logique, L'expert pouvait conclure que le suicide de Patrice VIC était en relation directe et certaine avec l'application des protocoles d'audition auxquels il avait été soumis. Ces techniques de conditionnement, accompagnées de prises de vitamines avaient en effet conduit le sujet à un état d'affaiblissement physique et mental, aggravé par diverses pressions et l'avaient enfermé dans un dilemme constitué par l'obligation de choisir soit la poursuite d'un parcours scientologique coûteux soit le respect des engagements familiaux, dont il n'avait pu sortir que par le suicide.

        L'électromètre, utilisé lors des auditions, était également l'objet d'expertises.

        M. JONESSO, expert commis, estimait que cet appareil employé pour mesurer les résistances électriques avec précision était improprement utilisé pour mesurer la résistivité d'un être humain ou constater la variation de cette résistivité censée se produire en fonction des variations de l'état psychique. L'importante imprécision de ce contrôle de résistivité suffirait a lui seul à démontrer l'absence de sérieux de cette technique, L'appareil étant présenté de manière fallacieuse

        Selon F. K., chargé d'une contre-expertise, L'électromètre était un ohmmètre capable de mesurer les résistances électriques avec une précision moyenne. Il s agissait en réalité d'un leurre destiné à conférer un aspect scientifique à une opération en étant totalement dépourvue. Enfin la valeur de l'appareil pouvait être de 5.000 francs, alors qu'il était vendu aux adeptes à des prix très supérieurs, pouvant atteindre 39.00O francs.

        Les docteurs VEDRINNE, ELCHARDUS et CANTERINO, chargés d'examiner S. G. ancienne adepte de la Scientologie sans émettre d'avis général et global sur les méthodes de cette Eglise, concluaient néanmoins que la patiente, présentant une structure psychologique de type névrotique, avait été soumise à une manipulation dans un but d'aliénation, manoeuvre constituant l'antithèse d une psychothérapie.


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        En sens contraire, les prévenus ont produit une consultation du docteur BORSTEIN, neuropsychiatre, expert inscrit sur la liste établie par la Cour de Cassation, estimant que la méthode de purification renouvelait les principes initiatiques prônés par les grandes religions depuis les temps ancestraux, en conjuguant des processus naturels comme la course à pied, le sauna et les vitamines dans le but de prévenir l'individu contre les agents toxiques présents dans la vie moderne. Selon lui, une abondante littérature justifiait le recours, dans un but de désintoxication, à la vitaminothérapie et au lavage. En définitive le protocole proposé par la Scientologie, y compris l'emploi de la Niacine, n'était pas contraire aux données actuelles de la science et tendait à obtenir un bon équilibre sur le plan psychique et somatique.

        L'information a permis de recueillir de très nombreuses plaintes de personnes ayant fréquenté le Centre de dianétique de la rue Edouard Herriot ou l'Eglise de Scientologie de la place des Capucins à Lyon. Tous les plaignants exposaient qu'ils s'étaient rendus dans ces établissements à la suite de la distribution de tracts promettant un test de personnalité gratuit ou, dans certains cas, un test d'orientation, effectué et interprété séance tenante à l'aide d'un ordinateur.

        Parfois, les plaignants avaient été attirés par une petite annonce dans la presse gratuite rédigée dans des termes tels que "Recherche vendeurs, débutants acceptés, formation assurée. Rémunération." et affirmaient qu'ils avaient eu la conviction de répondre à une offre d'emploi.

        Dans la quasi-totalité des cas, les personnes concernées, en proie à des difficultés personnelles, familiales ou professionnelles, avaient appris que le test pratiqué révélait de graves carences auxquelles l'interprète du test proposait sur-le-champ de remédier par la lecture de livres de RON HUBBARD ou par des cours à suivre dans l'établissement, le tout étant payable immédiatement. Il était, par la suite, proposé des séances d'audition simple, d'audition avec électromètre, d'auditions intensives facturées 22.000 francs, des cures de purification pouvant atteindre le prix de 30.000 francs, voire des stages de formation à l'étranger au Danemark ou à Clearwater en Floride, afin de gravir les divers degrés de la connaissance et de la hiérarchie en passant par "l'état de clair" pouvant être défini comme un état d'harmonie spirituelle et physique.

        Les plaignants entendus ont ainsi versé des sommes variables pouvant atteindre dans le cas de M.-Therèse M., ayant fréquenté Copenhague et Clearwater, plusieurs centaines de milliers de francs. Tous ont souligné l'extrême insistance avec laquelle les versements de fonds étaient sollicités, certains ayant même vendu leurs biens, résilié leur plan d'épargne, souscrit d'importants emprunts ainsi que cela leur était suggéré. Plusieurs ont précisé que, venus subir un test gratuit ou rechercher un emploi, ils n'avaient pas compris immédiatement qu'"ils avaient mis les pieds dans une secte", pour reprendre leur langage.

        Il convient toutefois de préciser que la plupart des plaignants ont retiré leur plainte, après conclusion d'une transaction, en adressant au juge d'instruction des lettres rédigées en termes quasi-identiques, exposant qu'en raison de la dissipation du "malentendu" avec l'Eglise de Scientologie ils se désistaient de leur instance et de leur action.

        Dans le cas où l'impécuniosité de l'adepte était telle qu'il ne pouvait effectuer aucun paiement, il lui était loisible de devenir membre du "Staff", c'est-à-dire du personnel permanent et financer sa formation par son travail, avec cette précision, qu'en cas de démission prématurée, il pouvait être tenu à remboursement.

        Quoi qu'il en soit, les sommes brassées étaient considérables ainsi que le démontrent les indications suivantes:

        - les recettes du centre de dianétique de Lyon au Cours de L'année 1990 s'élevaient à 2.020.800 francs virés au Crédit Lyonnais


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        -les cheques déposes sur le compte personnel de J.-J. M. totalisaient:

     en 1988..............1.023.187 francs
     en 1989..............617.417 francs
     au 10 juillet 1990...171.086 francs

        - dans le même temps J.-J. M. avait versé 451.866 francs aux instances internationales de l'église de Scientologie,

        - de janvier 1988 au mois de juillet 1991 la somme de 15.916.288 francs avait été transférée d'un, compte ouvert au Crédit Lyonnais à Paris à un compte de l'Eglise de Scientologie ouvert à la "BIKUBEN BANK" de Copenhague.

        Quant à elle, l'Eglise de Scientologie de Lyon avait viré du 10 novembre 1989 au 15 mai 1990, soit en à peine six mois, la somme de 363.898 francs de son compte ouvert à la banque de Savoie au compte ouvert au nom de l'Eglise Internationale de Scientologie à la KREDIT BANK de Luxembourg.

        Ces versements étaient expliqués par le paiement des frais de la formation assurée à Copenhague ou à Clearwater, par la contrepartie de l'assistance administrative fournie, voire par une sorte de denier du culte.

        Les quinze prévenus présents devant la Cour ont été renvoyés devant la juridiction de jugement des chefs:

        - d'homicide involontaire en ce qui concerne J.-J. M.,

        - d'escroqueries en ce qui concerne J.-J. M., A. B., C. M. épouse B., G. P. épouse H., L. Q. et D. C.,

        - de complicité d'escroqueries s'agissant de D. C. épouse G., Y. V., JP. C., P. D., E. T. épouse C., H. CA., D. R.Y épouse P., MA. B. épouse R. et L.-M. B..

        Devant le tribunal et avant toute défense au fond, les prévenus ont demandé l'annulation du réquisitoire définitif et de l'ordonnance de renvoi en faisant observer qu'après l'avis de fin d'information délivré le 19 avril 1994 en application de l'article 175 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction avait, le 25 mai 1994, délivré une commission rogatoire afin de rechercher si Patrice VIC avait été victime d'un vol de sa carte bancaire. Cette commission rogatoire n'ayant donné aucun résultat, le réquisitoire définitif était intervenu le 23 février 1996 et l'ordonnance de renvoi le 15 mars 1996 sans qu'un nouvel avis ce clôture de l'information ne soit notifié, ce qui constituait, selon les prévenus un cas d'annulation de la procédure subséquente.

        Le tribunal a écarté cette exception au motif que l'irrégularité alléguée n'avait pas porté atteinte aux intérêts de J.-J. M. , seul concerné d'ailleurs par la mesure d'information ordonnée, ayant pour seul objet de rechercher si parmi les causes du suicide de Patrice VIC pouvait éventuellement figurer le vol de sa carte bancaire, à supposer que ce vol ait effectivement eu lieu.

        Pour le surplus, les prévenus ont nié les infractions qui leur étaient reprochées soutenant que les délits d'escroqueries et de complicité d'escroqueries n'étaient pas caractérisés et, en ce qui concerne M., qu'il n'avait commis aucune faute et qu'il n'existait aucun lien de causalité entre le suicide de Patrice VIC et sa fréquentation du Centre de dianétique.


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        Il convient de rappeler brièvement le rôle joué par chacun des prévenus.

        1°) Y. V. :

        Etait le président du Celebrity Center installé à Paris, destiné a recevoir plus spécialement les personnalités. Ce Centre apportait une certaine aide aux missions locales et, en tant qu'Eglise de Classe V, délivrait les certificats d'aptitude pour l'obtention de "l'état de clair".

        2°) L. Q. :

        Etait le trésorier de l'Eglise de Scientologie de le place des Capucins depuis le mois d'octobre 1989. En sa qualité d'auditeur, il soumettait les nouveaux arrivants aux tests de personnalité.

        3°) D. C.

        Recruté lui-même par test, il était superviseur de cours place des Capucins, et payait ainsi sa formation. Il percevait également un pourcentage sur les ventes de livres.

        4°) G. P. épouse H. :

        Recrutée par petite annonce, elle était devenue membre permanent de l'Eglise de Scientologie. Elle faisait passer les tests, les interprétait, supervisait les cours. En compagnie de E. T. épouse C., elle a effectué une démarche auprès de C. C. pour ramener celle-ci vers la Scientologie en lui vendant un électromètre au prix de 39.000 francs.

        5°) H. CA. :

        Auditeur place des Capucins, il percevait des allocations hebdomadaires et recevait 15 % sur les ventes de livres. De 1985 à 1990, il a été auditeur professionnel.

        6°) D. R.Y épouse P.:

        Auditeur professionnel, elle travaillait à titre libéral au tarif de 1.000 francs par jour. De mars à juin 1990, elle a ainsi perçu la somme de 52.000 francs. A partir de mars 1991, elle a succédé à P. D. à la présidence de l'Eglise de Scientologie de la place des Capucins, où elle était déjà très présente.

        7°) JP. C. :

        Membre actif de l'Eglise de Paris, il conseillait le Centre de dianétique de Lyon sur les plans comptable et fiscal. Il était également responsable de l'O.S.A. ( office des affaires spéciales), chargé du contentieux et du renseignement.

        8°) D. C. épouse G. :

        Titulaire du niveau OT VIII, le plus haut niveau existant en scientologie, elle présidait l'Eglise de Paris, aidant les autres églises locales qui, selon elle, restent cependant autonomes. Elle a défini l'Eglise de Scientologie comme une sorte de bouddhisme technologique.

        9°) C. M. épouse B. :

        Recrutée par petite annonce, elle était devenue la trésorière du Centre de dianétique, fonction qu'elle exerça pendant trois ans. Seule responsable des cures de purification, elle percevait des commissions sur les livres et les électromètres vendus. Véritable assistante de


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J.-J. M., elle dirigeait le Centre de dianétique pendant les séjours de celui-ci à l'étranger.

        10°) P. D.:

        Présidente de l'église de Scientologie de la place des Capucins de mars 1990 à mars 1991, elle était rémunérée selon le chiffre d'affaires et à l'aide de primes. Elle mettait également le sauna dont elle disposait dans ses locaux à la disposition des adeptes venant du Centre de dianétique.

        11°) A. B. :

        Recruté grâce à un test de personnalité en avril 1989, il était devenu superviseur de cours du Centre de dianétique. Il confirmait qu'en l'absence de M., C. M. dirigeait la mission.

        12°) MA. B. épouse R. :

        Etait plus spécialement chargée des relations publiques auprès de l'Eglise de Scientologie de la place des Capucins.

        13°) E. T. épouse C.

        Aide-comptable au Centre de dianétique, elle percevait des pourcentages sur la vente des livres. Avec G. P., elle a effectué une démarche auprès de C. C. et lui a vendu un électromètre au prix de 39.000 francs.

        14°) J.-J. M. :

        Président fondateur du Centre de dianétique, il en était le dirigeant et se comportait en véritable chef d'entreprise soucieux de la productivité et de la statistique. Il lui arrivait à l'occasion de recevoir en paiement des chèques en blanc, entretenant ainsi une confusion certaine entre ses comptes personnels et ceux du Centre. Il sollicitait parfois de ses adeptes une lettre de décharge en cas de suicide.

        15°) L.-M. B. :

        Prêtre catholique, il s'est laissé tenter par l'Eglise de Scientologie engloutissant au total une somme de l'ordre de 100.000 dollars remise par une bienfaitrice belge. Ayant accès au navire "frewinds" réservé aux plus hauts dignitaires de la Scientologie, il a, par sa qualité de prêtre, apporte sa caution à cette institution et contribué à une confusion des genres. Le 23 janvier 1991, à la demande de l'organisation de Copenhague, il s'est rendu au domicile de MT. M. et a obtenu la délivrance d'un chèque de 58.000 francs qu'il aurait remis à M.. Il a expliqué qu'en cas de refus de sa part, il aurait redouté un "rapport d'éthique", ouvrant la voie à une procédure disciplinaire interne.

        L.-M. B. a rompu avec l'Eglise de Scientologie et a repris son ministère de prêtre.

        Par déclaration du 2 décembre 1996, J.-J. M. a relevé appel principal du jugement rendu le 22 novembre 1996.

        C. M., A. B., L. Q., D. C., G. P. épouse H., H. CA., D. R.Y épouse P., P. D., MA. B. épouse R., E. T. épouse C. et Y. V. ont relevé appel à leur tour le 6 décembre 1996,

        Le lundi 9 décembre 1996 le Ministère public a relevé appel incident à l'égard de ces prévenus et appel principal à l'encontre de D. C. épouse G., JP. C. et L.-M. B..


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        Celui-ci a relevé appel incident le même jour. Ces appels sont recevables.

        Sur quoi

        Attendu que des l'ouverture des débats les prévenus ont déposé diverses conclusions, par lesquelles ils demandent :

        - comme en première instance, l'annulation de l'ordonnance de renvoi faute de notification dans les termes de la loi, de l'article 175 du Code de procédure pénale,

        - l'annulation du jugement rendu par le tribunal aux motifs que celui-ci n'aurait pas été indépendant et impartial, que le cause n'aurait pas été entendue équitablement, l'expert commis étant acquis à la thèse de la culpabilité des prévenus, que J.-J. M. n'aurait pas bénéficié des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, faute d'avoir pu disposer des pièces comptables saisies qui lui auraient permis de justifier de l'origine de toutes les sommes créditées à son compte bancaire,

        - à titre subsidiaire, l'organisation d'une expertise comptable afin de rechercher si M. avait bénéficié de versements anormaux et de profits personnels provenant de son activité de président du Centre de dianétique,

        - l'audition en qualité de témoins de Steven T.MILLER, directeur adjoint du service fédéral des Impôts à Washington pour les questions afférentes aux organisations exemptées et de R. CLARK, expert comptable étant intervenu dans le cadre de la procédure au nom de "Church of Scientology International",

        - subsidiairement, un supplément d'information à effectuer aux Etats-Unis, afin de rechercher l'importance et la destination des fonds reçus des Eglises implantées en France;

        Attendu que le Ministère public et les parties civiles ont conclu au rejet de toutes ces demandes et exceptions;

        Attendu que la Cour, après audition de toutes les parties, la défense ayant eu la parole en dernier, a joint au fond les incidents et exceptions pour statuer par un seul et même arrêt;

        Attendu que tous les prévenus ont fait plaider leur relaxe en soutenant que:

        - les principes constitutionnels de liberté d'opinions, mêmes religieuses et de laïcité de la République, interdisaient, que la qualification d'escroquerie soit appliquée à une doctrine, un dogme, une politique, une philosophie, une psychologie, une religion comme la Scientologie,

        - au demeurant les infractions d'escroqueries, de complicité ou de tentatives d'escroqueries n'étaient pas caractérisées,

        - au surplus, les prévenus ayant agi dans le cadre de leur croyance religieuse, étaient d'une totale bonne foi,

        - Y. V., JP. C. et D. C. épouse G., étrangers aux missions implantées à Lyon, n'avaient accompli aucun acte pouvant constituer une complicité d'escroqueries;

        Attendu qu'en outre J.-J. M. a, comme devant le tribunal, contesté le délit d'homicide involontaire:

        Attendu que les parties civiles et le Ministère public ont, au contraire, maintenu que les infractions reprochées étaient constituées,


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le Ministère public requérant en outre condamnation à l'égard de JP. C. et D. C. épouse G., relaxés en première instance;

        Attendu que dès la formalité du rapport, le président de la Cour a informé les prévenus et leurs avocats que certains des faits poursuivis étaient susceptibles d'être requalifiés en extorsion et les a mis en mesure de s'expliquer sur cette éventuelle requalification; que les prévenus et leurs avocats ont eu la parole en dernier;

        1°) Sur l'exception de nullité tirée de la violation de l'article 175 du Code de procédure pénale:

        Attendu que le 19 avril 1994 le juge d'instruction, conformément aux dispositions de l'article 175 du Code de procédure pénale, a avisé les parties et leurs avocats du fait que l'information lui paraissait terminée;

        Attendu qu'à la suite de la demande de l'avocat de J.-J. M., en date du 9 mai 1994, le magistrat instructeur a, le 25 mai 1994, donné commission rogatoire au directeur du Service régional de police judiciaire de Lyon, afin de rechercher si la carte bancaire de Patrice VIC avait fait l'objet d'un vol; qu'en effet, M. avait laissé entendre lors de son interrogatoire du 26 septembre 1990, que le suicide de Patrice VIC pouvait être lié au vol de sa carte bancaire par une prostituée, que cette commission rogatoire devait être effectuée pour le 10 juin 1994 au plus tard;

        Attendu que les fonctionnaires du S.R.P.J. de Lyon ont, le 14 juin 1994, adressé une réquisition au directeur du Centre de chèques postaux de Lyon, tenant le compte de Patrice VIC, afin, notamment, de préciser si celui-ci était titulaire d'une "carte bleue"; que le 26 août 1994, ils ont informé le magistrat mandant qu'aucune réponse ne leur était parvenue;

        Attendu que le 25 août 1994, le juge d'instruction a communiqué le dossier au procureur de la République, lequel a établi son réquisitoire définitif le 23 février 1996, suivi de l'ordonnance de renvoi en date du 15 mars 1996, ces divers actes étant intervenus sans qu'il soit procédé une nouvelle fois a la notification prévue par l'article 175 alinéa 1er du Code de procédure pénale;

        Attendu que les avocats des prévenus estiment qu'il a été, de la sorte, porté atteinte aux droits de la défense;

        Attendu que pour écarter cette exception, les premiers juges ont fait, à juste titre, application des dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale précisant que la nullité ne peut être prononcée que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée;

        Attendu qu'en l'espèce il était loisible aux parties se disant lésées, de solliciter de la juridiction de jugement un supplément d'information afin de vérifier si la carte de paiement de Patrice VIC avait été effectivement volée; que les prévenus se sont abstenus de formuler une telle demande, tant devant le tribunal que devant la Cour:

        Attendu qu'à supposer même, pour les besoins du raisonnement, que la carte bancaire de Patrice VIC ait été volée et que ce vol ait joué un rôle dans le suicide de celui-ci, ce seul élément ne serait pas de nature à exonérer M., dans la mesure où les articles 319 ancien et 221-6 nouveau du Code pénal relatifs à L'homicide involontaire n'exigent pas que la faute du prévenu soit la cause exclusive du décès de la victime du moment qu'elle est la cause certaine, même indirecte ou partielle du dit décès;

        Attendu qu'enfin, le prétendu vol ayant eu lieu, selon M. au moins quinze jours avant le décès de Patrice VIC, cet élément, même s'il était établi, ne dispenserait pas la juridiction de jugement d'examiner le


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comportement du prévenu au cours des jours et des heures ayant précédé le suicide de la victime;

        Attendu qu'ainsi, un supplément d'information d'ailleurs non sollicité, portant sur le vol allégué, n'apparaissant pas nécessaire à la manifestation de la vérité, il convient, par conséquent, de confirmer le jugement ayant rejeté cette exception de nullité faute d'atteinte portée aux intérêts des prévenus;

        2°) Sur la demande d'annulation du jugement;

        Attendu que le 24 mai 1997 a été organisé à Nîmes par l'Association régionale de Criminologie Languedoc Roussillon un colloque intitulé "Dérives sectaires et criminologie" au cours duquel sont intervenus Madame B., magistrat ayant siégé dans la formation ayant jugé l'affaire en première instance et le docteur J.-M. A., expert commis par le juge d'instruction, ayant déposé lors des débats;

        Attendu que selon la transcription de l'enregistrement des travaux du colloque, contrôlée par huissier, Madame B. aurait déclaré que les prévenus avaient usé de tous les moyens de procédure pour ralentir le procès, que l'inspecteur de police ayant participé à l'enquête était apeuré lors de sa déposition à l'audience en qualité de témoin et que les prévenus avaient cherché à hypnotiser le tribunal en le fixant du regard des heures durant;

        Attendu que le docteur A. aurait affirmé que "secte n'est pas religion", aurait proposé de nommer les sectes "groupes coercitifs criminels" et aurait estimé que "dès qu'on rentre dans le domaine des libertés on est coincé";

        Attendu que les prévenus en concluent que la cause n'a pas, en première instance, été " entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial", et demandent l'annulation du jugement;

        Attendu que s'il est loisible aux prévenus de discuter l'opportunité de telles interventions quelques jours avant l'ouverture du procès en cause d'appel, il convient néanmoins de préciser que :

        - Madame B., juge et le docteur A., expert, ont pris la parole non pas sur la place publique mais au cours d'un colloque relatif aux dérives sectaires, organisé par une société savante, L'Association régionale de criminologie Languedoc Roussillon; que par leur pratique professionnelle, ils pouvaient légitimement faire part de leur expérience aux auditeurs de ce colloque scientifique;

        - Madame B. a pris soin de rappeler que la décision à laquelle elle avait participé n'était pas définitive et a simplement fait connaître ses impressions à l'issue du débat pénal, sans qu'on puisse en conclure que son opinion était préalablement arrêtée et que son indépendance et son impartialité aient été affectées;

        - les conclusions du docteur A., expert ayant eu l'occasion d'étudier les phénomènes sectaires, sont soumises à la discussion des parties et ne lient pas la juridiction saisie, les prévenus ne pouvant être admis à soutenir qu'en sa qualité d'expert judiciaire, toute intervention lors d'un colloque de criminologie lui serait interdite;

        Attendu que, par conséquent, la demande tendant à l'annulation du jugement, au motif que la cause n'aurait pas été entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial doit être rejetée;

        Attendu que J.-J. M. sollicite également l'annulation du jugement en prétendant qu'il n'aurait pas disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense faute d'avoir pu avoir


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accès à toutes les pièces placées sous scellés de nature à justifier de l'origine des sommes inscrites au crédit de ses comptes;

        Attendu que J.-J. M. étant appelé à répondre du délit d'escroquerie, il appartient seulement à la juridiction saisie de rechercher si le versement des sommes litigieuses a été librement consenti ou déterminé par des manoeuvres frauduleuses entrant dans le cadre de l'article 405 ancien et 313-1 nouveau du Code pénal;

        Attendu que, de surcroît, J.-J. M. a été en mesure de reconstituer partiellement sa comptabilité dans un document remis au tribunal; qu'il a remis à la Cour un document encore plus élaboré justifiant très largement des fonds crédités à ses comptes, même s'il reconnaît lui-même dans ses écritures que la confusion ayant existé entre les comptes du Centre de dianétique et ses comptes personnels est "indiscutablement regrettable" qu'enfin M. a pu préciser lors des débats qu'il était titulaire, dès avant son entrée en Scientologie, d'un important patrimoine et que cette affirmation n'a été discutée ni par les parties civiles, ni par le Ministère Public;

        Attendu dès lors que J.-J. M. ne saurait être admis à soutenir qu'il n'aurait pas disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense alors qu'il ne lui est pas spécialement reproché d'avoir bénéficié de versements anormaux et de profits personnels provenant du Centre de dianétique qu'il dirigeait; que, pour les mêmes motifs, L'expertise comptable sollicitée aux mêmes fins est totalement dépourvue d'intérêt et doit être écartée;

        3°) Sur la demande d'audition de témoins et de supplément d'information:

        Attendu enfin que les prévenus demandent l'audition en qualité de témoins de Steven T.MILLER, directeur adjoint du service fédéral des impôts à Washington pour les questions afférentes aux organisations exemptées et de R. CLARK, expert comptable ayant eu à intervenir au nom de "Church of Scientology International"; qu'ils demandent également un supplément d'information aux Etat-Unis afin de rechercher la destination des fonds reçus des associations de scientologie implantées en France;

        Attendu qu'aux termes de l'article 513 du Code de procédure pénale les témoins ne sont entendus devant la Cour que si celle-ci a ordonné leur audition;

        Attendu qu'en l'espèce, les prévenus ayant fait entendre en première instance de très nombreux témoins, n'ont pas fait citer devant le tribunal les deux témoins dont ils sollicitent à présent L'audition;

        Attendu que les faits dont la Cour est saisie ne portent pas sur le fonctionnement de l'église Internationale de Scientologie dans son ensemble, sur le transfert des fonds collectés vers l'étranger, sur l'origine et l'emploi des fonds dont l'Eglise internationale peut bénéficier, mais uniquement sur le point de savoir si les infractions visées à la prévention ont été commises au sein du Centre de dianétique et de l'Eglise de Scientologie implantés à Lyon et si ces infractions sont imputables aux prévenus; que dès lors il importe peu de rechercher si l'administration fiscale des Etats-Unis a reconnu à l'Eglise de Scientologie le statut de religion et si celle-ci est en mesure de justifier de l'origine et de l'emploi des fonds dont elle dispose; qu'à supposer même que l'Eglise mère Implantée aux Etats-Unis ait un fonctionnement et des pratiques n'appelant aucune remarque défavorable, cela n'empêcherait pas que les dirigeants ou les membres de telle ou telle association de Scientologie implantée en France et spécialement à Lyon, puissent, en ce qui les concerne, commettre des infractions d'escroqueries ou d'extorsions;

        Attendu qu'enfin la Cour a pu prendre connaissance au cours de son délibéré d'un courrier circonstancié adressé par Steven T.MILLER à


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Maître M., avocat de certains prévenus et du rapport de l'expert comptable CLARK, document communiqués par la défense;

        Attendu que pour ces motifs les demandes d'audition de ces deux témoins et de supplément d'information, totalement dépourvues d'intérêt, doivent être rejetées;

        4°) Sur les faits qualifiés d'escroqueries et de complicité d'escroqueries

        Attendu que les prévenus affirment, au premier chef, que les principes constitutionnels de liberté d'opinions, même religieuses et de laïcité de la République interdisent que la qualification de pouvoir imaginaire ou d'événement chimérique, constitutifs du délit d'escroquerie, soit appliquée à une idée, une doctrine, un dogme, une politique, une philosophie, une croyance, un rite ou un culte; qu'une telle qualification serait contraire à la liberté constitutionnelle d'opinion ne pouvant recevoir de limites que dans sa manifestation matérielle et les modalités de son expression; que la République ne reconnaissant aucun culte, respectant toutes les croyances et garantissant la liberté d'opinion, il n'appartient pas au juge de distinguer la chimère du sacré et, par voie de conséquence, de porter un jugement de valeur sur la doctrine ou la croyance enseignée par l'Eglise de Scientologie; que c'est à tort que l'ordonnance de renvoi et le jugement du tribunal auraient qualifié de manoeuvre frauduleuse la doctrine de la Scientologie et la mise en oeuvre de celle-ci;

        Attendu qu'il est exact que la liberté de croyance est un des éléments fondamentaux des libertés publiques françaises exprimé dans l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi", repris par l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, rappelant que la République "respecte toutes les croyances"; que l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Eglises et de l'Etat précise que la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l'intérêt de l'ordre public; que l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques réaffirment le principe de liberté de manifester sa religion sous les seules restrictions résultant des nécessités de la sécurité publique, de l'ordre public, de la santé ou de la morale publiques;

        Attendu qu'il est vain, dès lors, de s'interroger sur le point de savoir si l'Eglise de Scientologie constitue une secte ou une religion, la liberté de croyance étant absolue; que dans la mesure où une religion peut se définir par la coïncidence de deux éléments, un élément objectif, l'existence d'une communauté même réduite et un élément subjectif, une foi commune, l'Eglise de Scientologie peut revendiquer le titre de religion et développer en toute liberté, dans le cadre des lois existantes, ses activités y compris ses activités missionnaires, voire de prosélytisme:

        Attendu cependant que si la liberté religieuse est totale, il est permis de concevoir que certains individus utilisent une doctrine religieuse, en soi licite, à des fins financières ou commerciales pour tromper des tiers de bonne foi; qu'une Eglise régulièrement constituée pourrait, dans certains cas, dissimuler une entreprise financière ou commerciale; que l'exercice ou la pratique d'un culte peut donner lieu à des manoeuvres frauduleuses de la part de certains membres de cette religion; que l'appréciation de ces manoeuvres à travers une pratique religieuse n'implique pas un jugement de valeur sur la doctrine professée par cette religion, mais concerne seulement la licéité des moyens employés;

        Attendu qu'il convient d'appliquer ces principes à l'espèce soumise à l'appréciation de la Cour;


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        Attendu que s'agissant du Centre de dianétique dirigé par J.-J. M., les adeptes étaient recrutés essentiellement par deux moyens, des annonces diffusées dans la presse et la distribution de prospectus promettant un test de personnalité gratuit;

        Attendu que la rédaction de certaines annonces libellées dans les termes suivants: "Vous voulez aider les autres à être mieux dans leur peau. Devenez auditeur dianétique - Formation possible. Tél. :..." était de nature à induire le lecteur en erreur et à le persuader de l'existence d'une offre d'emploi, d'autant plus que le message litigieux était précisément classé dans la rubrique "Offres d'emploi-divers" des journaux, supports de la publicité;

        Attendu que d'autres annonces étaient elles, indiscutablement mensongères, comme celle publiée les 23 et 24 juillet 1988 dans le journal "Le Progrès" : " Rech. vendeurs (euses) . débutants acceptés. Formation assurée. Rémunérat. motiv." puisqu'elles s'analysaient en véritables offres d'emplois, alors qu'en réalité l'annonce ne visait qu'à attirer au Centre de dianétique de futurs éventuels adeptes;

        Attendu que l'examen des plaintes démontre que de nombreuses personnes, trompées par ces fausses offres d'emploi se sont rendues au Centre de dianétique où un stage payant et l'achat de livres, préalables à toute embauche, leur ont été imposés;

        Attendu qu'ainsi L. M. épouse B., se trouvant sans emploi, a répondu au début de l'année 1990 à une annonce parue dans le "69" indiquant, selon ce qu'elle avait compris, que le Centre de dianétique recrutait du personnel; qu'elle avait été reçue par C. M. qui lui avait expliqué que son travail consisterait à soulager les personnes déprimées ou souffrantes, car le Centre soignait toutes les maladies sans médicament; que devant l'étonnement de la candidate objectant qu'elle était incapable d'effectuer un tel travail, C. M. lui avait vendu un livre au prix de 400 francs et l'avait inscrite à un stage coûtant 1.100 francs, sommes que la plaignante avait réglées immédiatement; que L. M. épouse B. a ajouté qu'au bout de quelques jours de stage, elle avait compris qu'elle se trouvait dans une secte et n'était plus retournée au Centre de dianétique, bien qu'elle fût téléphoniquement sollicitée par C. M.; que la plaignante a maintenu qu'elle avait été abusée car tout avait été organisé pour lui faire croire qu'elle allait obtenir un emploi, alors qu'elle avait été dépouillée de 1.500 francs;

        Attendu que, de la même façon, C. V., à la recherche d'un emploi, s'est rendue courant janvier 1990 au Centre de dianétique qui demandait des "auditeurs"; qu'il lui avait été indiqué qu'avant de prendre ses fonctions il lui fallait suivre un stage payant; que devant son hésitation, il lui avait été précisé qu'elle devait se décider sur-le-champ et qu'elle avait dû remettre un chèque de 609 francs; qu'au bout de quelques jours, trouvant la situation étrange, elle avait mis fin à ce stage et que C. M. avait tenté de la faire revenir au Centre; que cette plaignante disait avoir été escroquée car venant poser sa candidature à un emploi, il lui avait été soutiré 609 francs pour suivre un stage préalable;


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        Attendu que MT. M., partie civile, a précisé au magistrat instructeur qu'à la fin de l'année 1988 elle avait répondu à une annonce parue dans un journal gratuit proposant de devenir auditeur au Centre de dianétique; qu'elle a ajouté, que dans son esprit, l'annonce était relative à une proposition de travail futur et qu'il n'était nullement question de l'Eglise de Scientologie; que, dans un premier temps, elle avait réglé la somme de 1.500 francs pour suivre un cours et que par la suite, sous l'impulsion notamment de C. M. et de J.-J. M. elle s'était trouvée engagée dans un processus au terme duquel elle avait englouti plusieurs centaines de milliers de francs;

        Attendu que MT. M. a répété lors des débats devant la Cour qu'elle ne s'était rendue pour la première fois au Centre de dianétique qu'en réponse à ce qu'elle croyait être une offre d'emploi;

        Attendu que les mêmes pratiques fallacieuses sévissaient à l'Eglise de Scientologie implantée place des Capucins; qu'ainsi H. R., à la recherche d'un emploi, a été attirée par une annonce indiquant qu'une entreprise située 3 place des Capucins, recherchait du personnel pour des contacts humains; qu'arrivée à l'Eglise de Scientologie, elle a été soumise à un test de personnalité ayant révélé certaines anomalies justifiant la prise de cours, d'heures d'audition entraînant finalement un investissement global de 4.850 francs: qu'H. R. a déposé plainte en soulignant qu'alors qu'elle recherchait un emploi, l'Eglise de Scientologie l'avait conditionnée de telle sorte que c'était elle qui, en définitive, avait dépensé 4.850 francs sans obtenir l'emploi ayant servi d'appât;

        Attendu que même si les faits dénoncés par H. R. se situent en 1986, alors que l'Eglise de Scientologie n'était pas encore dirigée par P. D. mais par un de ses prédécesseurs, ils démontrent néanmoins que Centre de dianétique et Eglise de Scientologie usaient des mêmes procédés frauduleux pour recruter leurs futurs adeptes, promesses d'emploi et tests de personnalité pouvant, à l'occasion, se combiner;

        Attendu que le fait de publier de façon réitérée des annonces, ne mentionnant en aucun cas qu'elles émanaient de l'Eglise de Scientologie, rédigées en termes équivoques et parfois indiscutablement mensongers, pour faire croire ou laisser croire au lecteur qu'il s'agissait d'offres d'emplois, subordonnées à l'achat de livres, à l'assistance à des cours et à la participation à des stages payables immédiatement, alors qu'en réalité leur but véritable était la recherche d'une adhésion à la Scientologie, s'analyse en manoeuvres frauduleuses pour faire naître l'espérance d'un événement chimérique, en l'espèce l'accès à un emploi, les dites manoeuvres frauduleuses ayant déterminé la remise des fonds; que le délit d'escroquerie est d'ores et déjà caractérisé, dès lors que l'agent a agi sciemment;

        Attendu que le Centre de dianétique et l'Eglise de Scientologie de la place des Capucins, avaient recours à un second procédé pour recruter de nouveaux adeptes; que par milliers étaient distribués des prospectus promettant un test gratuit (le mot gratuit étant inscrit en gros caractères) de personnalité, le dit test traité sur ordinateur étant censé révéler les dix points essentiels de la personnalité, un consultant devant expliquer gratuitement les résultats du test, explication qui constituerait "un moment étonnant"; que ces prospectus ne portaient aucune mention révélant qu'ils émanaient de l'Eglise de Scientologie, à l'exception de l'indication "Centre de dianétique" totalement inconnue du grand public;

        Attendu que comme l'ont affirmé la quasi totalité des plaignants et le docteur ME. D., ayant lui-même adhéré un temps à la Scientologie, le test gratuit était conçu pour donner, dans la grande majorité des cas, des résultats mauvais voire catastrophiques de nature à inquiéter le sujet; que certaines des personnes se soumettant à ces tests étaient d'autant plus enclines à en accepter les conclusions qu'elles connaissaient de graves problèmes personnels ou professionnels expliquant précisément l'intérêt qu'elles y avaient attaché; que cet élément était d'ailleurs connu des promoteurs de ces tests parfaitement conscients des difficultés rencontrées par les sujets venant s'y soumettre;

        Attendu que le Centre de dianétique et l'Eglise de Scientologie proposaient, immédiatement après avoir communiqué le résultat du test, de remédier à ces carences appelées "ruines" dans le vocabulaire de la Scientologie, en proposant des livres, des cours, des séances d'audition, des cures de purification dont le coût suivait une savante gradation, enclenchant ainsi un processus de versements de sommes de plus en plus importantes pouvant atteindre, parfois, des centaines de milliers de francs;


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        Attendu que J. C. ayant trouvé un prospectus dans sa boîte à lettres a parfaitement décrit l'enchaînement qui, à partir d'un test de personnalité ayant révélé son "instabilité", l'a conduit, à l'instigation de M., à suivre des cours, des séances d'audition, à prendre des vitamines pour un coût total de l'ordre de 4.000 francs, jusqu'à ce qu'il se rende enfin compte qu'il "avait mis les pieds dans une secte"; que C. a précisé qu'il avait remis à M. des chèques ne précisant pas l'identité du bénéficiaire et que celui-ci lui avait proposé de poursuivre son stage aux Etats-Unis;

        Attendu que C. J. épouse K., connaissant une période de dépression, s'est rendue au Centre de dianétique, a subi le test de personnalité et a suivi le même cursus que J. C., payant au total la somme de 3.850 francs; que cette plaignante a ajouté que M. lui avait proposé de souscrire un emprunt si elle ne pouvait plus financer ses cours de lui remettre l'argent de son père afin que lui-même puisse le placer, de vendre des livres et de recruter de nouveaux adeptes moyennant une commission, tandis que C. M. la poussait à reprendre de nouvelles séances d'auditions et intervenait lorsque sa foi commençait à s'émousser; que C. J. épouse K. a conclu que l'intérêt de M. à son égard avait fléchi au moment où il avait compris qu'elle n'avait plus d'argent;

        Attendu que B. C., déprimé en raison de difficultés professionnelles, a également subi le test de personnalité au Centre de dianétique lequel avait révélé une irresponsabilité, une nervosité, une anxiété, une instabilité; que J.-J. M. lui avait affirmé qu'il n'avait aucune chance de s'en sortir seul, mais qu'en revanche sa situation pouvait s'améliorer grâce à l'aide du Centre de dianétique; que ce plaignant soutenait que M. lui avait assuré que toutes les personnes ayant agi contre lui avaient perdu leur procès et s'étaient même, parfois suicidées; que B. C. n'avait pas immédiatement compris que le Centre de dianétique pouvait constituer une religion ou une secte, cette institution était censée selon lui, délivrer des tests d'orientation;

        Attendu que C. D., ayant fréquenté l'Eglise de la place des Capucins en 1988 a vécu une expérience comparable, le test l'avant fait apparaître comme dépressive, renfermée, solitaire, souffrant d'une difficulté à communiquer; que cette partie civile a elle aussi distribué des tracts pour faire de nouveaux adeptes et a indiqué, qu'interrogeant ses interlocuteurs sur la signification de la mention "Eglise de Scientologie" figurant sur le fronton de l'immeuble, il lui avait été répondu qu'il ne s'agissait pas d'une Eglise;

        Attendu que les nombreuses autres déclarations recueillies lors de l'information relatent des expériences similaires vécues par des personnes connaissant une phase de fragilité; que plusieurs d'entre elles rapportent que les nouveaux adeptes étaient très vivement incités à engager des dépenses sans cesse renouvelées financées au besoin par des emprunts;

        Attendu que R. C., employé un temps en qualité d'officier d'éthique au Centre ce dianétique, a clairement confirmé que J.-J. M. poursuivait des objectifs financiers ou commerciaux, que R. C. avait été prié par M. de vérifier la production de chaque membre du personnel; que chaque semaine M. fixait un objectif supérieur au résultat atteint au cours de la semaine écoulée; que M. lui demandait d'être ferme sur les statistiques, sur la production, sur la croissance du nombre d'adeptes: qu'il répétait sans cesse que les charges étaient lourdes et que la mission parvenait à peine à faire face à celles-ci; qu'après cinq semaines d'exercice de ses fonctions il s'était "rendu compte qu'il ne s'agissait que d'argent";

        Attendu que ces déclarations de R. C. qui serait toujours membre de l'Eglise de Scientologie, corroborent celles de nombreux plaignants comme MT. M., ayant denoncé le harcèlement subi pour suivre de nouveaux cours ou de nouvelles séances;


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        Attendu en outre que la Scientologie, telle que pratiquée au Centre de dianétique dirigé par J.-J. M., avait pour objet et en tout cas pour effet d'aboutir à une véritable manipulation mentale comme cela a été le cas s'agissant de S. G.; que celle-ci, ayant suivi un parcours relativement complet, comprenant notamment des séances d'audition, a fait l'objet d'une expertise psychiatrique confiée par le juge d'instruction au professeur VEDRINNE, du professeur ELCHARDUS et au docteur CANTERINO; que ces praticiens ont conclu que si S. G. présentait une structure psychologique de type névrotique, il avait été procédé à une manipulation de sa névrose dans un but d'aliénation du sujet, manoeuvres constituent l'antithèse d'une psychothérapie; qu'une telle manipulation mentale était de nature à faciliter la spoliation des sujets qui en étaient victimes et constitue une autre forme de manoeuvre frauduleuse;

        Attendu qu'en définitive ont ainsi été mises en évidence des manoeuvres frauduleuses caractérisées par une publicité massive, ne faisant initialement aucune référence à l'Eglise de Scientologie, proposant des tests de personnalité gratuits analysés immédiatement et gratuitement sur ordinateur par des personnes dépourvues de toute compétence en la matière et révélant quasi systématiquement de graves difficultés d'ordre personnel, lesquelles manoeuvres frauduleuses avaient pour objet de persuader l'existence de fausses entreprises, en l'espèce le Centre de dianétique de Lyon ou l'Eglise de Scientologie de Lyon, présentés comme des institutions en mesure de résoudre par l'application de la doctrine de RON HUBBARD les prétendues difficultés révélées par les tests et de favoriser l'épanouissement et la réussite personnels de l'adepte, alors qu'en réalité ces associations dispensant, moyennant des paiements croissants, des cours, des séances d'audition, des cures de purification, pouvant aboutir, au moins dans certains cas, a une véritable manipulation mentale, constituaient des entreprises ayant pour seul objet ou pour objet essentiel, la captation de la fortune des adeptes grâce à l'emploi des manoeuvres frauduleuses ci-dessus décrites; que le délit d'escroquerie est ainsi caractérisé;

        Attendu qu'il convient à présent de rechercher à quels prévenus les escroqueries telles que ci-dessus spécifiées peuvent être imputées en tant qu'auteurs principaux ou de complices; qu'en effet, plusieurs d'entre eux ont fait soutenir qu'imprégnés d'une sincère et profonde croyance scientologique ils n'avaient pu agir de mauvaise foi et qu'en conséquence l'élément moral de l'infraction n'était pas caractérisé;

        Attendu que J.-J. M., ayant précédemment dirigé une entreprise de maçonnerie de cinquante salariés, a ouvert, après sa conversion à la Scientologie, le Centre de dianétique de Lyon; que de sa fondation en 1986 jusqu'au terme de la période visée par la prévention, J.-J. M. a présidé l'association qu'il dirigeait personnellement; qu'il a délibérément choisi d'user des manoeuvres frauduleuses ci-dessus caractérisées pour faire fonctionner le Centre de dianétique en diffusant de fausses offres d'emploi ou en attirant la clientèle par la promesse de tests de personnalité s'avérant fallacieux afin d'engager ses dupes dans un engrenage ayant pour objet la captation de leur fortune; que son âpreté au gain résulte de maints témoignages et ressort de ses propres déclarations; que d'une part il a admis que sa rémunération personnelle était fonction des entrées d'argent et que d'autre part, il a précisé qu'il avait pu réaliser en 1990 un chiffre d'affaires de l'ordre de deux millions de francs avec une cinquantaine d'adeptes seulement ce qui suppose que chaque scientologue aurait versé quarante mille francs dans l'année; que même s'il n'est pas démontré qu'il se soit personnellement enrichi, il a entretenu une confusion non contestée entre ses comptes personnels et ceux de l'association, vivant selon A. B. sur un grand pied; que M. n'hésitait pas, à l'occasion à user de pressions sur ses interlocuteurs pour les pousser, en quelque sorte, à la consommation, se livrant parfois à un discret chantage au suicide; que selon C. G. épouse M. il utilisait même les confessions enregistrées lors des séances d'audition pour dissuader les adeptes déçus de maintenir leurs demandes de remboursement, pourtant contractuellement prévues; qu'il avait, en outre formé tout son personnel permanent à


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provoquer continuellement de nouveaux besoins de cours et de séances diverses, lui-même se chargeant de suggérer la souscription d'emprunts sans se soucier des conséquences financières qu'auraient pour les adeptes de tels engagements;

        Attendu qu'à cet égard, le cas de Patrice VIC est particulièrement révélateur puisqu'après avoir effectué une démarche à domicile pour persuader Madame VIC d'emprunter la somme de 30.000 francs, il devait le lendemain, malgré l'opposition de celle-ci, conduire son époux dans un établissement bancaire pour obtenir un prêt devant servir à payer sa cure de purification ou de réparation de vie;

        Attendu qu'ainsi les délits d'escroqueries, et de tentative d'escroquerie à l'égard de Patrice VIC sont parfaitement caractérisés, mais à l'égard des seules victimes ayant fréquenté le Centre de dianétique, à savoir: S. G., J. C., S. C., MT. M., L. M. épouse B., C. C., B. B., C. J. épouse K., C. V., J. C., V. C. épouse B., G. F., P. S., B. C., Y. B., C. C., F. M. et Christel D.; qu'il convient de relaxer J.- J. M. pour le surplus de la prévention;

        Attendu que pour entrer en voie de condamnation à l'égard de C. M. épouse B., les premiers juges ont exactement énuméré les charges leur ayant permis de justifier leur décision; qu'il suffit de rappeler qu'elle exerçait les fonctions de trésorière de l'association, assistait constamment M. dans la direction de l'établissement, assurait le fonctionnement du Centre pendant les absences de son président, dirigeait personnellement les cures de purification constituant l'une des prestations les plus onéreuses, percevait les paiements et suivait les flux financiers;

        Attendu que chargée de la direction en second de l'établissement, recevant une commission de 15 % sur la vente des livres et une commission de 5 % sur la vente des électromètres, investie de la mission de solliciter téléphoniquement les adeptes dont l'intérêt faiblissait, elle connaissait les procédés frauduleux selon lesquels fonctionnait le Centre de dianétique, d'autant que, lors des absences de M., elle poursuivait les mêmes pratiques;

        Attendu que pour ces motifs et ceux non contraires adoptés des premiers juges, il convient de retenir C. M. dans les liens de la prévention en qualité de complice, par aide et assistance, des escroqueries commises par J.-J. M. au préjudice des victimes ci-dessus énumérées; qu'il y a lieu de la relaxer pour le surplus, y compris pour la tentative d'escroquerie au préjudice de Patrice VIC, infraction à laquelle C. M. n'a pris aucune part;

        Attendu que P. D. a présidé l'Eglise de Scientologie de la place des Capucins du mois d'avril 1990 au mois de mars 1991, date de son remplacement par D. R.Y épouse P.; qu'elle a perçu de J.-M. C. qui avait souscrit un emprunt auprès d'un organisme de crédit, la somme de 9.600 francs représentant le prix d'une cure de purification; que si ces faits ne sont pas, inclus dans la présente poursuite, ils établissent cependant que les mêmes procédés sévissaient dans les deux établissements de Scientologie implantés à Lyon; qu'elle a, dans une certaine mesure, forcé J.-C. C. à acquérir des livres sur la dianétique au triple de leur valeur, élément démontrant que les mêmes pratiques de vente forcée existaient dans les deux associations, qu'elle apportait son aide au fonctionnement du Centre de dianétique en mettant parfois à la disposition des adeptes de ce centre le sauna installé place des Capucins;

        Attendu cependant qu'une seule infraction d'escroquerie est caractérisée à son encontre, celle commise au préjudice de P. G. qu'elle a recruté place des Terreaux, courant février 1990 époque au cours


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de laquelle G. connaissait des difficultés sentimentales et professionnelles; que selon la mise en scène bien rodée, déjà exposée, elle a soumis P. G. à un test de personnalité ayant révélé des éléments inquiétants, ce qui lui a permis de lui vendre un livre à 129 francs et des séances d'audition pour 1.500 francs; que très rapidement, P. D. lui a fait distribuer 3.000 tracts à Tassin, procédé employé fréquemment pour impliquer les nouveaux adeptes, puis a multiplié les démarches pour le retenir au moment où il tentait de prendre ses distances d'avec la Scientologie après avoir déjà dépensé une somme de 3.000 francs;

        Attendu que selon P. G., P. D. lui avait révélé, avec un certain cynisme, comment elle sélectionnait dans la rue de possibles adeptes parmi les personnes semblant mal à leur aise et qui, pour cette raison, étaient susceptibles de succomber à ses manoeuvres; qu'accessoirement, elle était, elle aussi, intéressée à la marche de l'entreprise puisqu'elle percevait une commission de 15 % sur les ventes de livres et de matériel;

        Attendu qu'après requalification des faits reprochés, P. D. sera déclarée coupable d'escroquerie commise au préjudice du seul P. G. et relaxée pour le surplus de la prévention;

        Attendu que D. R.Y épouse P., ancienne infirmière, membre permanent de l'Eglise de Scientologie depuis 1977, a assisté, à partir du mois de septembre 1990, P. D. dans la direction de l'église située place des Capucins, puis l'a remplacée en mars 1991;

        Attendu qu'en sa qualité d'auditeur professionnel, exerçant à titre libéral, elle pratiquait de nombreuses auditions notamment pour le centre de dianétique qui la rémunérait sur la base d'un tarif de 1.000 francs par jour; qu'elle a, à ce titre, perçu la somme globale de 52.000 francs versée par le Centre de dianétique du 1er mars au 7 juin 1990; que c'est la seule prévenue dont il soit permis d'affirmer qu'elle a tiré un véritable profit personnel de ses activités:

        Attendu que D. R.Y épouse P. a exercé son art sur les personnes de J. C., S. C. et MT. M.;

        Attendu cependant qu'elle n'apparaît pas comme étant un simple prestataire de services travaillant à la vacation; que proche de J.-J. M., elle est intervenue activement pour favoriser les entreprises de celui-ci en multipliant les pressions sur S. C. pour qu'il établisse un chèque de 14.737 francs en paiement de livres et de cassettes, pour qu'il prenne des auditions supplémentaires et signe son engagement au Staff (personnel permanent), qu'elle a exercé des pressions analogues sur MT. M., afin que celle-ci suive encore des cours supplémentaires, alors que cette partie civile, qui a englouti des sommes considérables dans la Scientologie, a ressenti les interventions de la prévenue comme un véritable harcèlement;

        Attendu qu'en raison de son ancienneté en Scientologie, de sa place élevée dans la hiérarchie, puisque membre de la Sea Organisation de Copenhague, des fonctions exercées auprès de P. D. comme codirigeante de l'Eglise de la place des Capucins à partir du mois de septembre 1990, de sa proximité de M. qui l'a employée pendant plusieurs mois à titre libéral en la rémunérant largement, des interventions énergiques effectuées sur certains adeptes du Centre de dianétique pour favoriser les objectifs financiers fixés par son président, il est établi que D. R.Y épouse P. s'est rendue complice par aide ou assistance des escroqueries commises par J.-J. M. notamment au préjudice de J. C., de S. C. et de MT. M.;


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        Que désignée pour assister P. D. dans la direction de l'Eglise de le place des Capucins, elle connaissait les manoeuvres frauduleuses utilisées par J.-J. M., identiques d'ailleurs dans les deux implantations;

        Attendu que L.-M. B. a été renvoyé devant la juridiction de jugement du chef de complicité d'escroqueries commises de 1987 à 1990 et, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription;

        Attendu qu'un seul fait précis peut lui être imputé, en l'espèce l'intervention accomplie le 23 janvier 1991, à la demande de l'organisation de Copenhague, auprès de MT. M., suivie de l'obtention d'un cheque de 58.OOO francs;

        Attendu que si ces faits pourraient, éventuellement, recevoir la qualification d'extorsion, sur laquelle tous les prévenus assistés de leurs avocats ont été mis en mesure de s'expliquer, il apparaît néanmoins, ainsi que l'a soutenu l'avocat du prévenu, qu'ils n'entrent pas dans la saisine de la juridiction de jugement:

        Attendu qu'en effet L.-M. B. a été inculpé le 28 janvier 1993 en vertu du réquisitoire introductif du 17 août 1989 et d'un réquisitoire supplétif du 6 décembre 1991, lequel n'incluait pas l'extorsion commise le 23 janvier 1991 qui n'avait pas encore été révélée; qu'en effet, le réquisitoire supplétif du 6 décembre 1991 a été établi à la suite de l'audition de MT. M. en date du 4 décembre 1991 qui, ce jour-là, n'avait pas encore mentionné la remise du chèque de 58.000 francs; que ce fait nouveau n'est apparu que le 7 janvier 1992 lors d'une audition par les services de police;

        Attendu que ni le réquisitoire définitif, ni l'ordonnance de renvoi adoptant les motifs du réquisitoire ne font la moindre allusion à la remise du chèque de 58.000 francs en date du 23 janvier 1991, B. étant renvoyé devant la juridiction de jugement dans les termes déjà énoncés; qu'au surplus, la prévention ne peut recouvrir la remise de ce chèque de 58.000 francs, fait pour lequel le prévenu a agi, comme auteur principal à la demande de l'organisation de Copenhague et non pas en qualité de complice d'un des prévenus renvoyés pour escroquerie;

        Attendu que la Cour n'étant pas saisie de l'extorsion portant sur ce chèque de 58.000 francs, alors qu'aucun autre fait précis constitutif d'escroquerie ou de complicité d'escroquerie ne peut être imputé au prévenu, il convient de prononcer la relaxe de L.-M. B.;

        Attendu qu'un certain nombre d'autres prévenus et notamment A. B., G. P. épouse H., L. Q., E. T. épouse C., D. C., H. CA. et M.- Annick B. épouse R. sollicitent leur relaxe en contestant l'existence, en ce qui les concerne, de l'élément moral de l'infraction;

        Attendu que tous ces prévenus appartenaient au personnel du Centre de dianétique ou de l'Eglise de Scientologie, associations dans lesquelles ils occupaient un emploi précis moyennant une allocation symbolique;

        Attendu que A. B. exerçait les fonctions de superviseur de cours au Centre de dianétique, consistant à surveiller les cours et à corriger les exercices faits par les étudiants;

        Attendu que G. P. épouse H., après avoir répondu à une annonce proposant de devenir auditeur dianétique, a subi le test de personnalité et a été recrutée par M. pour devenir, à son tour, superviseur de cours et interprète de tests; qu'ayant rompu son contrat avec l'Eglise de Scientologie, elle a été embauchée par une association satellite afin de pouvoir rembourser les dettes contractées au cours de sa formation de scientologue;


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        Attendu que L. Q., titulaire d'un bac G 2, est entré très jeune en Scientologie et a financé sa formation en souscrivant un emprunt de 20.000 francs; que devenu trésorier de l'Eglise situé place des Capucins, il a également fait passer des tests aux nouveaux arrivants et a procédé à des auditions;

        Attendu que E. T. épouse C. a, elle aussi, été recrutée par M. à la suite d'une annonce suivie d'un test de personnalité; que sa formation de scientologue lui a coûté 76.000 francs, somme financée par un emprunt; qu'elle a occupé les fonctions d'aide- comptable au Centre de dianétique:

        Attendu que D. C., a exercé en qualité de superviseur de cours à l'Eglise de la place des Capucins, en percevant une allocation mensuelle de l'ordre de 2.000 a 4.000 francs,

        Attendu que H. CA., après avoir lui-même investi la somme de 80.000 francs pour sa formation, est devenu auditeur à L'Eglise de la place des Capucins, moyennant une modeste allocation mensuelle;

        Attendu que MA. B. épouse R. était, quant à elle, chargée des relations publiques dans la même Eglise;

        Attendu que ces prévenus, entrés en Scientologie selon des modalités analogues à celles décrites par les plaignants, et pouvant, au moins pour certains d'entre eux et dans une certaine mesure, faire également figure de victimes, ne constituaient que de simples rouages des associations dont ils assuraient le fonctionnement; que cantonnés dans des emplois précis, ils n'avaient pas forcément connaissance des procédés frauduleux mis en place par J.-J. M., C. M. et P. D. que, par ailleurs, leur incontestable sincérité dans leur croyance, que la Cour a pu mesurer lors des débats, n'était pas de nature à leur permettre de porter un jugement critique sur les agissements dont ils étaient témoins;

        Attendu que pour ces sept prévenus, un doute persiste quant à l'existence de l'élément moral des infractions d'escroqueries ou de complicité d'escroqueries; qu'il convient, par conséquent, de les faire bénéficier d'une décision de relaxe, à l'exception toutefois des faits commis par G. P. épouse H. et E. T. épouse C. au préjudice de C. C.;

        Attendu que celle-ci, divorcée, élevant seule son fils de 12 ans, ayant été hospitalisée pour dépression nerveuse et souffrant de tendances suicidaires, a subi au Centre de dianétique un test de personnalité interprété par G. P. épouse H. qui a conclu qu'elle manquait de confiance en elle; que, dans le même temps, J.-J. M. lui demandait d'interrompre son traitement de psychiatrie; qu'elle se trouvait engagée dans un système d'achat de livres et de cours au terme duquel elle engloutissait une somme de l'ordre de 60.000 francs provenant de la vente de valeurs mobilières et de la résiliation de deux comptes d'épargne logement;

        Attendu que tentant de s'éloigner de la Scientologie, elle était contactée téléphoniquement par G. P. épouse H. et E. T. épouse C. qui s'appliquaient à la convaincre de revenir au Centre de dianétique;

        Attendu que finalement C. C. acceptait de recevoir à son domicile ses deux interlocutrices qui réussissaient à lui vendre un électromètre au prix de 39.000 francs, censé servir à auditer son fils connaissant des difficultés scolaires; que le prix était payé au moyen de deux chèques émis ultérieurement semble-t-il;


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        Attendu que C. C. n'utilisait pas le dit électromètre et, une fois revenue de sa surprise, tentait d'en obtenir le remboursement;

        Attendu que les deux prévenues ont reconnu que l'objet de leur visite auprès de C. C. était bien de la ramener vers l'Eglise de Scientologie mais ont nié avoir usé de contrainte pour lui faire souscrire l'engagement d'acheter l'électromètre;

        Attendu cependant que c'est lors d'une visite au domicile de C. C. que les prévenues ont réussi à obtenir d'elle l'engagement d'acquérir un électromètre, totalement inutile et d'ailleurs resté sans utilisation, censé servir à "auditer" à la maison le fils de la plaignante qui n'avait pas forcément la formation nécessaire à de telles auditions, payé au prix fort, puisque le prix de 39.000 francs est le prix maximal pratiqué pour la vente d'un tel appareil;

        Attendu qu'il apparaît d'autant plus clairement que l'engagement de C. C. a été extorqué que celle-ci a tenté très rapidement d'obtenir le remboursement du prix de l'appareil;

        attendu que, de surcroît, la plaignante souffrant de maladie nerveuse, ayant interrompu à la demande du Centre de dianétique ses soins médicaux, se trouvait dans un état de particulière faiblesse qui n'avait pas d'ailleurs échappé aux prévenues, E. T. épouse C. ayant admis que C. C. était "fatiguée";

        Attendu enfin que retenue peut-être par un ultime scrupule, E. T. épouse C. refusait de recevoir la commission afférente à la vente de l'électromètre, tandis que G. P. épouse H. percevait le pourcentage qui lui revenant sur la transaction;

        Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les deux prévenues pour obtenir de C. C. l'engagement d'acquérir un électromètre totalement inutile au prix de 39.000 francs, ont usé de pressions proches du harcèlement qui caractérisent la contrainte morale, celle-ci devant notamment s'apprécier en tenant compte de la condition physique ou intellectuelle de la personne sur laquelle elle s'exerce, en l'espèce une femme élevant seule un enfant, souffrant de maladie nerveuse, ayant interrompu son traitement, démarchée à son domicile par deux jeunes militantes connaissant son état, essentiellement soucieuses de la ramener vers la Scientologie;

        Attendu qu'après requalification des faits commis au préjudice de C. C., G. P. épouse H. et E. T. épouse C. seront déclarées coupables d'extorsion qualification sur laquelle, assistées de leurs avocats, elles ont été préalablement mises en mesure de s'expliquer et se défendre, les éléments retenus au titre des manoeuvres frauduleuses entrant également dans le champ de la contrainte morale;

        Attendu que s'agissant de D. C. épouse G., président de l'Eglise de Scientologie de Paris, de JP. C., responsable de l'office des affaires spéciales au sein de cette Eglise et de Y. V., président de l'Eglise dite Celebrity Center implantée elle aussi à Paris, poursuivis tous trois au chef de complicité d'escroqueries, il convient tout d'abord de revenir sur l'organisation des différentes Eglises de Scientologie situées en France;

        Attendu que celles-ci sont constituées sous forme d'associations, indépendantes les unes des autres, n'ayant pas de liens organiques ou hiérarchiques entre elles, chacune dépendant directement de l'Eglise-mère, aux Etats-Unis ou de l'organisation avancée de Copenhague;


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        Attendu que l'organisation est telle qu'il est permis de parler d'Eglises de Scientologie en France, mais non pas d'Eglise de France dans le sens que peut revêtir cette expression pour le catholicisme par exemple;

        Attendu que l'Eglise internationale de Scientologie ayant été décrite comme une institution complexe, bureaucratique, centralisée et hiérarchisée, cette extrême décentralisation des Eglises à la base peut revêtir au moins deux intérêts; que d'un point de vue doctrinal, cet éparpillement des Eglises, chacune restant strictement subordonnée à l'Eglise-mère, est de nature à prévenir tout risque de "gallicanisme" et de dérive nationale voire nationaliste; que d'un point de vue pratique, certaines Eglises, connaissant, notamment en Europe, des démêles judiciaires avec les autorités, une telle organisation présente l'avantage de n'impliquer généralement, comme tel est le cas dans la présente affaire, que telle ou telle Eglise constituée sous forme d'association et non pas l'ensemble des Eglises implantées en France prises dans leur globalité:

        Attendu que ce schéma doit être cependant nuancé par l'existence de relations d'entraide ou de coopération existant entre les Eglises opérant dans un même pays;

        Attendu que c'est à la lumière de cette réalité que doit être examiné le rôle des trois prévenus;

        Attendu que D. C. épouse G. n'a pas contesté avoir porté son aide aux Eglises de Lyon, notamment dans leurs relations avec la presse, lors des remous médiatiques provoqués par les premières interpellations intervenues dans la présente affaire;

        Attendu que JP. C. a reconnu avoir entrepris une action auprès des différentes Eglises afin de résoudre un certain nombre de problèmes comptables et fiscaux à L'origine d'un contentieux avec la Direction générale des Impôts;

        Attendu que Y. V. a pu donner certains conseils à M., recevoir en stage L. Q. venu parfaire sa formation de trésorier ou fournir au Centre de dianétique de Lyon des livres et des cassettes; qu'il ne peut être retenu à son encontre, comme l'a fait le tribunal, que Y. V. ait indiqué à M. les dosages de vitamines en vue de procéder aux cures de purification, de telles indications figurant et pouvant être recueillies dans la documentation émanant de RON HUBBARD, le Centre de dianétique n'ayant nullement besoin de s'adresser pour cela au Celebrity Center;

        Attendu en définitive que s'il n'est pas discutable que ces trois prévenus ont apporté une aide ponctuelle aux deux Eglises implantées à Lyon en entretenant avec elles certains liens de coopération, l'examen exhaustif de la procédure ne permet pas de conclure qu'ils aient par aide ou assistance, par provocation ou par instructions pris part à la conception ou à l'exécution des manoeuvres frauduleuses mises en oeuvre par J.-J. M., C. M. et P. D. pour commettre les escroqueries qui leur ont été reprochées, ni qu'ils aient sciemment favorisé le fonctionnement de ces entreprises poursuivant leur activité selon des procédés frauduleux;

        Attendu qu'en conséquence une décision de relaxe doit intervenir à leur égard;

        5°) Sur le délit d'homicide involontaire reproché à J.-J. M. :

        Attendu que J.-J. M. conteste cette infraction en soutenant qu'il n'a commis aucune faute; qu'il ajoute que la jurisprudence exige, pour qu'il y ait homicide involontaire, un acte positif, imputable à la personne poursuivie, en rapport direct ou indirect avec le suicide; qu'il affirme que pour le suicide, comme pour l'homicide ou la délinquance, le passage à l'acte est un mystère dont l'élucidation échappe à autrui et


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qu'aucun psychiatre n'est en mesure de le prévoir; qu'a fortiori, il était, lui- même, dans l'impossibilité absolue d'envisager une telle issue;

        Attendu que J.-J. M. prétend que Madame Nelly VIC aurait, au cours de l'enquête et de l'information, évolué dans ses déclarations puisqu'après avoir reconnu que son mari subissait, depuis deux ans déjà, des passages dépressifs, elle avait progressivement imputé le suicide de la victime aux cours et au traitement suivis au Centre de dianétique;

        Attendu que contrairement aux affirmations de J.-J. M., Madame Nelly VIC a, d'entrée, indiqué aux enquêteurs que l'état de son mari était devenu préoccupant au cours des jours écoulés; que c'est ainsi qu'elle a déclaré le 24 mars 1988, au gardien de la paix venu procéder aux premières constatations: "mon mari était dépressif depuis plusieurs jours"; que le 24 mars 1988, elle a confirmé à l'inspecteur principal HOUSSARD que son mari était "victime d'une crise de déprime depuis quelques jours" et a attribué les causes de celle-ci, notamment à des "problèmes financiers"; que l'inspecteur principal COULET a pu ainsi relater dans son rapport de transmission en date du 31 mars 1988, que Madame VIC lui avait fait part de l'état dépressif chronique de son mari, et de "l'aggravation qu'elle avait constatée les derniers jours précédant le décès";

        Attendu qu'il est dès lors permis d'observer c'est au cours de ses derniers jours, Patrice VIC avait connu une crise aiguë, causée notamment par des problèmes financiers signalés par Madame VIC dès le début de l'enquête;

        Attendu que lors de ces jours critiques les relations entre J.- J. M. et Patrice VIC ont été particulièrement étroites et suivies;

        Attendu qu'il est établi qu'au cours de l'automne 1987, Patrice VIC avait adhéré a la Scientologie par le biais du Centre de dianétique proposant un test de personnalité, lequel avait, comme à l'accoutumée, révélé en lui certaines faiblesses; que selon son épouse, il avait d'abord suivi une première séance d'audition, puis douze heures supplémentaires d'audition lui ayant coûté 3.000 francs;

        Que Madame Nelly VIC avait, elle-même, subi une séance d'audition dispensée par M., dont elle était sortie très éprouvée, si bien qu'elle n'avait pas poursuivi en Scientologie, décision de nature à introduire un premier ferment de trouble dans leur ménage, son mari persistant dans cette voie;

        Attendu que J.-J. M. n' a pas contesté que Patrice VIC avait pris un cours "de haut en bas" au début de l'année 1988 suivi d'un cours "d'intégrité personnelle" et qu'il avait commencé à absorber des vitamines;

        Attendu que c'est dans ce cadre général que doit être examiné le comportement de J.-J. M. au cours de la journée du mercredi 23 mars 1988;

        Attendu que ce jour-là, Patrice VIC s'est rendu au Centre de dianétique au lieu de rejoindre son travail; que vers 11 heures, Madame Nelly VIC a reçu un appel téléphonique de M. l'informant que son mari était dans ses locaux et qu'il était "très dépressif"; qu'il convient de retenir que Madame Nelly VIC a fait cette déclaration devant l'inspecteur principal COULET dès le 24 mars 1988 et que J.-J. M. ne peut soutenir qu'il s'agirait d'une affirmation tardive formulée pour les besoins de la cause;

        Attendu que le mercredi 23 mars 1988 vers 11 heures 30, Patrice VIC a regagné son domicile accompagné de J.-J. M. qui a indiqué aux époux VIC que la victime devait suivre une cure de purification d'un prix de 30.000 francs et qu'il était possible d'obtenir, à cette fin, un prêt auprès du Crédit Lyonnais ayant déjà accordé des facilités à d'autres adhérents; que l'étude du dossier apprend que le coût d'une cure de


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purification était d'habitude très inférieur au montant de 30.000 francs avancé par M. et que, pour expliquer cette discordance, le prévenu a soutenu à l'audience que, dans le cas de Patrice VIC, il s'agissait de suivre une cure de "réparation de vie" prestation jusqu'alors inconnue;

        Attendu que Madame VIC a refusé la perspective d'une telle cure en qualifiant de "faramineuse" la somme exigée en paiement de celle-ci;

        Attendu que loin de s'effacer après avoir constaté l'opposition de Madame VIC, J.-J. M. a encore, au cours de l'après-midi du mercredi 23 mars 1988, reçu son mari au Centre de dianétique et l'a persuadé de prendre rendez-vous le lendemain auprès du Crédit Lyonnais afin de solliciter un prêt de cet établissement bancaire;

        Attendu que deux éléments confirment que J.-J. M. avait réussi dans son entreprise tendant à faire accepter à Patrice VIC la cure de purification; que d'une part, Madame VIC a précisé que M. lui avait téléphoné au cours de l'après-midi du 23 mars 1988 pour lui apprendre que son mari allait faire "ce qu'il lui recommandait", que d'autre part, M., ainsi qu'il l'a reconnu, avait mentionné dans son agenda qu'il devait rappeler Patrice VIC le 24 mars 1988 à 8 heures 45 afin de procéder aux formalités de l'emprunt;

        Attendu qu'il y a lieu encore d'observer que c'est quelques heures seulement après avoir accepté les propositions faites par M. que Patrice VIC s'est suicidé par défenestration, alors que, selon son épouse, il avait, au comble de l'agitation, passé une partie de la nuit à rassembler les fiches de paie nécessaires à la constitution du dossier, allégation d'autant plus crédible que des le 24 mars 1988, soit le jour même du suicide, Madame VIC avait expliqué celui-ci, notamment par des soucis financiers;

        Attendu que le docteur N. L., chargé par le magistrat instructeur de procéder à une expertise a conclu que les signes cliniques décrits par Madame VIC, dans la nuit ayant précédé le suicide (insomnies, douleurs musculaires, excitation) évoqueraient soit la prise d'excitants (amphétamines par exemple) soit la décompensation d'une pathologie psychiatrique négligée; qu'à cet égard J.-J. M. a admis que Patrice VIC avait pris des vitamines, dont, selon le docteur A., la consommation à doses excessives, conjuguée avec les autres techniques utilisées en Scientologie, était de nature à favoriser l'apparition de troubles mentaux confusionnels;

        Attendu que cet expert a estimé que le mode de suicide choisi, brutal et non prémédité, s'inscrivait dans le cadre d'un désarroi émotif aggravé probablement par des sentiments d'indignité et de culpabilité avec idées d'autodestruction et contexte mystique; que selon le docteur A., Patrice VIC avait été confronté à l'incapacité de résoudre les contradictions résultant de son obligation de suivre un protocole scientologique coûteux accompagné d'endettement et de son devoir familial avec respect des attaches affectives classiques; que l'expert en a conclu que le suicide de Patrice VIC était en relation directe et certaine avec l'application des protocoles d'audition et de purification auxquels il avait été soumis par l'Eglise de Scientologie de Lyon;

        Attendu que si les prévenus ont très vivement discuté les conclusions du docteur A., qui aurait délaissé, selon eux, sa qualité d'expert pour se muer en militant antisectes, il convient de confronter ses conclusions à celles des experts VEDRINNE, ELCHARDUS et CANTERINO ayant examiné S. G., autre adepte de la Scientologie, ayant suivi au Centre de dianétique un cursus très comparable a celui de Patrice VIC;

        Attendu que, comme cela a déjà été indiqué à propos des manoeuvres frauduleuses mises en oeuvre au Centre de dianétique, ces trois experts ont conclu que S. G., présentant une structure psychologique de type névrotique, avait subi une véritable manipulation dans un but d'aliénation du sujet, à l'antithèse d'une psychothérapie;


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        Attendu que de telles conclusions, loin d'infirmer celles du docteur A. ayant mis en évidence l'existence d'un lien de causalité certaine entre le protocole d'audition suivi par Patrice VIC et son suicide, corroborent au contraire son expertise que les prévenus ont bien vainement tenté de discréditer:

        Attendu qu'il résulte de l'ensemble des éléments rapportés que Patrice VIC, qui pouvait connaître depuis deux ans des passages dépressifs, a subi au Centre de dianétique de Lyon, sous la direction de J.-J. M., des séances d'audition s'apparentant à une manipulation mentale, accompagnées de prises de vitamines, la conjugaison de ces deux procédés étant de nature à favoriser l'apparition de troubles mentaux confusionnels;

        Attendu que, ce faisant, J.-J. M. a déjà créé les conditions favorisant le passage à l'acte suicidaire;

        Attendu que par ailleurs, dans les jours précédant le suicide de Patrice VIC et spécialement le 23 mars 1988, J.-J. M. s'est livré à une série de pressions sur la victime pour lui faire suivre une cure de purification d'un coût de 30.000 francs, (prix exorbitant même au regard des tarifs habituellement pratiqués par l'Eglise de Scientologie) et pour lui faire souscrire un emprunt;

        Attendu que J.-J. M. a exercé ces pressions alors qu'il savait que Patrice VIC était devenu très dépressif comme lui-même l'a annoncé le 23 mars 1988 vers 11 heures à Madame VIC et qu'il avait mesuré le même jour, lors d'un entretien avec elle, sa totale opposition à ce projet en raison notamment de son prix;

        Attendu que n'hésitant pas à semer la dissension entre les époux, J.-J. M. a repris dans l'après-midi du 23 mars 1988 son action sur Patrice VIC jusqu'à ce que celui-ci finisse par accepter de solliciter dès le lendemain un prêt bancaire;

        Attendu que pour parfaire le système de contrainte ayant eu pour effet d'enfermer Patrice VIC dans une situation d'opposition caractérisée à son épouse, rendez-vous avait été pris pour le lendemain matin à la banque, M. devant assister aux formalités préalables à l'obtention du prêt;

        Attendu que J.-J. M. n'entendait pas relâcher son étreinte, puisque le 24 mars 1988 vers 9 heures, s'inquiétant du retard de Patrice VIC au rendez-vous, il a appelé à son domicile, apprenant ainsi son suicide;

        Attendu qu'en agissant de la sorte, sur un sujet dont il connaissait l'état de fragilité, au point d'exercer sur lui une influence le rendant sourd aux objurgations de son épouse, J.-J. M. a commis, au cours de la journée du 23 mars 1988, une série de fautes d'imprudence, en relation certaine, et même directe, avec le suicide de Patrice VIC survenu dans la nuit; qu'à cet égard, il suffit de rappeler que la victime, extrêmement troublée par la perspective de souscrire cet emprunt, a passé ses derniers instants à rechercher ses fiches de paie et celles de son épouse;

        Attendu qu'en définitive, il résulte de l'analyse des faits de la procédure, que J.-J. M. a non seulement créé les conditions générales favorisant le suicide, mais encore a commis au cours de la journée du 23 mars 1988 une série de fautes ayant provoqué le passage à l'acte; qu'un lien de causalité certaine existant entre ces fautes et le décès, sans que soit exigée une causalité exclusive, il convient de confirmer le jugement ayant déclaré J.-J. M. coupable d'homicide involontaire sur la personne de Patrice VIC;


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        6°) Sur les peines :

        Attendu qu'il importe de souligner le comportement hautement condamnable des dirigeants du Centre de dianétique et de l'Eglise de Scientologie de Lyon, qui, par une série de manoeuvres frauduleuses, ont fait de leurs Eglises, dont il n'appartient pas à la Cour d'apprécier la doctrine, des entreprises de captation de fonds au préjudice des adeptes; que si la République respecte toutes les croyances, les dirigeants des Eglises doivent s'abstenir de faire usage de moyens illicites dans leur activité missionnaire, seuls leurs actes délictueux pouvant justifier leur condamnation;

        Attendu que si les infractions commises présentent une incontestable gravité, notamment en ce qui concerne J.-J. M., en raison de l'ampleur de l'entreprise de captation de fonds, souvent mise en oeuvre au préjudice de personnes vulnérables, il y a lieu de retenir que les prévenus n'ont aucun antécédent judiciaire et qu'une certaine sincérité a pu pousser plusieurs d'entre eux dans les errements reprochés;

        Attendu que même à l'égard de J.-J. M., le plus lourdement impliqué dans les agissements coupables, le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme n'apparaît pas indispensable;

        Attendu qu'il convient par conséquent de prononcer les peines suivantes, à l'égard de:

        - J.-J. M.: trois ans d'emprisonnement avec sursis et 500.000 francs d'amende,

        - C. M. épouse B.: un an d'emprisonnement avec sursis et 20.000 francs d'amende,

        - P. D. épouse G.: huit mois d'emprisonnement avec sursis et 10.000 francs d'amende, le jugement étant confirmé sur la peine,

        - G. P. épouse H. et E. T. épouse C.: dix mois d'emprisonnement avec sursis et 10.000 francs d'amende,

        - D. R.Y épouse P.: un an d'emprisonnement avec sursis et 20.000 francs d'amende,

        Attendu qu'il convient de prononcer l'interdiction de tous les droits civiques, civils et de famille, à l'exception de ceux vises au 3° de l'article 131-26 du Code pénal, pendant une durée de cinq ans s'agissant de J.-J. M. et pendant une durée de trois ans s'agissant de C. M. épouse B. et de D. R.Y épouse P.;

        Attendu que le jugement déféré sera réformé en ce sens;

        7°) Sur l'action civile :

        Attendu que MT. M., partie civile non appelante, intimée sur les appels de L.-M. B., J.-J. M., C. M. épouse B., D. R.Y épouse P., G. P. épouse H. et D. C., seuls condamnés au paiement de dommages et intérêts à son égard, conclut néanmoins à l'encontre de tous les prévenus et sollicite leur condamnation solidaire à lui payer les sommes de;

        - 512.961,40 francs en remboursement des versements effectués a l'Eglise de Scientologie,
        - 200.000 francs en réparation de son préjudice moral,


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        - 60.300 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

        Attendu que les prévenus ont, dès l'ouverture des débats, conclu à l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de MT. M. en exposant que celle-ci avait conclu une série de transactions avec les différentes associations de Scientologie et avait encaissé les chèques à elle adressés en exécution des dites transactions;

        Attendu que la Cour, après avoir entendu toutes les parties, la défense ayant eu la parole en dernier, a joint l'incident au fond pour statuer par un seul et même arrêt;

        Attendu qu'il résulte des éléments soumis aux débats qu'en dates des 23 octobre 1993 et 17 janvier 1994, MT. M. a conclu six transactions, conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du Code civil, avec l'Eglise de Scientologie, mission de Lyon, AOSH de Copenhague, Flag Clearwater (Floride), aux termes desquelles elle a perçu les sommes suivantes:

     - 16.871,00 francs,
     - 181.218,50 francs,
     - 11.548 dollars,
     - 800 dollars,
     - 54.267,02 dollars,
     - 698,18 dollars,

soit au total: - 198.089,50 francs et
        - 67.313,80 dollars;

        Attendu que selon les dispositions de ces transactions, dont l'existence et l'exécution ne sont pas discutées, MT. M. a renoncé à toute action en justice présente et future en relation "directe ou indirecte" avec les cours, les conseils pastoraux, les services divers et, en général, toute activité de l'Eglise ou de toute autre association de Scientologie ou de scientologues, contre toute Eglise de Scientologie française ou étrangère et a renoncé également à toute action en justice, présente ou future contre ses représentants ou membres, ainsi que contre les parents, héritiers ou bénéficiaires de L. RON HUBBARD.

        Attendu que si la transaction couvre le préjudice actuel et ne s'étend pas au préjudice à venir, les transactions litigieuses, conclues en 1993 et en 1994, concernaient, à l'évidence, tant le préjudice matériel que le préjudice moral résultant des infractions d'escroqueries commises au préjudice de MT. M., à l'époque de la prévention visant les années 1987 à 1990;

        Attendu que ces transactions, rédigées de surcroît en termes très généraux, ne peuvent recevoir une interprétation restrictive qui, en l'espèce, reviendrait à trahir la volonté contractuelle des parties, clairement exprimée;

        Attendu que par ailleurs l'importance des sommes allouées à la partie civile, d'un montant de l'ordre de 535.000 francs (sur la base d'un dollar à cinq francs), alors que M.-Therèse M. sollicite la somme de 512.961,40 francs en réparation de son préjudice matériel, démontre que les parties avaient entendu transiger sur l'intégralité du préjudice;

        Attendu qu'enfin le dol ou la violence ne sont ni démontrés, ni même allégués;

        Attendu que les prévenus, membres ou représentants de l'Eglise de Scientologie au sens des transactions, sont en droit d'invoquer l'existence de celles-ci et de les opposer à la partie civile;


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        Attendu qu'il convient, par conséquent, de déclarer irrecevable la demande en réparation de ses préjudices matériel et moral formée par MT. M.;

        Attendu qu'il n'est pas inéquitable, en raison des transactions intervenues, de laisser à sa charge les sommes par elles exposées et non payées par l'Etat; qu'il y a lieu de rejeter la demande par elle formée en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

        Attendu que P. G., partie civile non appelante, intimée sur les appels de P. D., J.-J. M. et C. M. épouse B., conclut à la condamnation de tous les prévenus à lui payer solidairement les sommes de;

        - 3.000 francs en remboursement des sommes versées à l'Eglise de Scientologie,

        - 100.000 francs à titre de dommages et intérêts en règlement de la période de travail non rémunérée exécutée par la partie civile,

        - 200.000 francs en réparation de son préjudice moral,

        - 60.300 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

        Attendu que seuls P. D., J.-J. M. et C. M. épouse B. ayant été condamnés à lui payer les sommes de 4.000 francs en réparation de son préjudice matériel, de 4.000 francs en réparation de son préjudice moral et de 4.000 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, ses demandes sont irrecevables en ce qu'elles visent les autres prévenus;

        Attendu que la Cour ayant prononcé la relaxe de J.-J. M. et de C. M. épouse B., des chefs d'escroquerie et de complicité d'escroquerie commise à son préjudice, ses demandes sont mal fondées en ce qu'elles visent ces deux prévenus;

        Attendu qu'en définitive, seule P. D. épouse G. étant déclarée coupable d'escroquerie commise à son préjudice, portant sur la somme de 3.000 francs, suivie d'un remboursement de 1.500 francs, il convient de condamner cette prévenue à lui payer :

        - la somme de 1.500 francs en réparation de son préjudice matériel,

        - la somme de 4.000 francs en réparation de son préjudice moral,

        - la somme de 8.000 francs pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel;

        Attendu que C. D., partie civile non appelante, intimée sur les appels de J.-J. M. et de C. M. épouse B., conclut à la condamnation solidaire de tous les prévenus à lui payer les sommes de:

        - 30,000 francs en règlement de la période de travail non rémunérée exécutée par la partie civile,

        - 200.000 francs en réparation de son préjudice moral,

        - 60.300 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

        Attendu que seuls J.-J. M. et C. M. épouse B. ayant été condamnés à lui payer les sommes de 10.000


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francs en réparation de son préjudice matériel, de 10.000 francs en réparation de son préjudice moral et de 4.000 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ses demandes sont irrecevables en ce qu'elles visent les autres prévenus;

        Attendu que C. D. ayant fréquenté l'Eglise de la place des Capucins a Lyon, en mai 1988, aucun des prévenus n'a été déclaré coupable du chef d'escroquerie ou de complicité d'escroquerie commise à son préjudice; qu'en effet P. D. n'a assuré la direction de cette Eglise qu'à partir de 1990, tandis que J.-J. M. et C. M. épouse B. dirigeaient, quant a eux, le Centre de dianétique; qu'il convient par conséquent, de débouter C. D. de toutes ses demandes;

        Attendu que Madame Nelly MONDET Veuve VIC, non appelante, intimée sur l'appel de J.-J. M., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs, conclut à la confirmation du jugement et sollicite l'allocation de la somme de 50.000 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

        Attendu que la culpabilité de J.-J. M. des chefs d'homicide involontaire sur la personne de Patrice VIC et de tentative d'escroquerie à son préjudice étant confirmée, la demande en réparation des préjudices résultant de ces infractions est recevable;

        Attendu que les premiers juges ont exactement apprécié ces préjudices en allouant à Madame MONDET et à chacun de ses deux enfants mineurs;

        - la somme de un franc en réparation du préjudice moral subi par chacun d'eux résultant du délit de tentative d'escroquerie,

        - la somme de 80.000 francs en réparation du préjudice moral subi par chacun d'eux résultant du délit d'homicide involontaire, pour la perte de leur époux et père;

        Attendu qu'il convient de confirmer le jugement ayant condamné J.-J. M. au paiement des dites sommes et de porter à 30.000 francs l'indemnité globale mise à sa charge pour les frais irrépétibles exposés par Madame Nelly MONDET Veuve VlC: tant en première instance qu'en cause d'appel;

        PAR CES MOTIFS et ceux non contraires adoptés des premiers juges
        LA COUR

        statuant publiquement, contradictoirement à L'égard de toutes les parties, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi,

        - déclare recevables tous les appels interjetés,
        - confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité tirée de la prétendue violation de l'article 175 du code de procédure pénale,

        - rejette les conclusions tendant à l'annulation du jugement déféré,

        - rejette les demandes des prévenus tendant à l'audition de témoins, à un supplément d'information, à l'organisation d'une expertise des comptes de J.-J. M. et de façon générale toutes les demandes des prévenus,


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        - reformant partiellement le jugement déféré,

        Sur l'action publique,

        Prononce la RELAXE de:

        Y. V., L. Q., D. C., H. CA., JP. C., D. C. épouse G., A. B., MA. B. épouse R., L.-M. B.,

        - requalifie les faits commis au préjudice de C. C. portant sur la vente d'un électromètre, visés à la prévention sous la qualification d'escroquerie s'agissant de G. P. épouse H. et sous la qualification de complicité d'escroquerie s'agissant de E. T. épouse C., en délit d'extorsion prévu et réprimé par l'article 400 ancien du Code pénal et par l'article 312-1 nouveau du Code pénal, déclare les deux prévenues coupables de ce délit et les relaxe pour le surplus de la prévention,

        - confirme le jugement sur la culpabilité de J.-J. M. du chef d'homicide involontaire, et sur la requalification en tentative d'escroquerie des faits visés à la prévention sous la qualification d'escroquerie au préjudice de Patrice VIC,

        - déclare J.-J. M. coupable des faits ainsi requalifiés et d'escroqueries au préjudice des victimes suivantes:

        S. G., J. C., S. C., MT. M., L. M. épouse B., C. C., B. B., C. J. épouse K., C. V., J. C., V. C. épouse B., G. F., P. S., B. C., Y. B., C. C. F. M. et Christel D.,

        relaxe J.-J. M. pour le surplus de la prévention,

        - requalifie les faits reprochés à C. M. épouse B. sous la qualification d'escroqueries, en complicité d'escroqueries par aide ou assistance et déclare C. M. épouse B. coupable de complicité des escroqueries commises par J.-J. M., à L'exception de la tentative d'escroquerie commise au préjudice de Patrice VIC;

        relaxe C. M. épouse B. pour le surplus de la prévention;

        - requalifie les faits reprochés à P. D. épouse G. sous la qualification de complicité d'escroquerie au préjudice de P. G., en escroquerie,

        déclare P. D. épouse G. coupable d'escroquerie au préjudice de P. G. et la relaxe pour le surplus de la prévention,

        - déclare D. R.Y épouse P. coupable de complicité par aide ou assistance des escroqueries commises par J.-J. M., notamment au préjudice de J. C., de S. C. et de MT. M.,

        relaxe D. R.Y épouse P. pour le surplus de la prévention,

        - en répression, condamne:


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        * J.-J. M. à la peine de TROIS ANS (3 ans) D'EMPRISONNEMENT avec SURSIS et à une amende de CINQ CENT MILLE FRANCS (500.000,00 francs),

        * C. M. épouse B. à la peine de UN AN (1 an) D'EMPRISONNEMENT avec SURSIS et à une amende de VINGT MILLE FRANCS (20.0O0,00 francs),

        * P. D. épouse G. à la peine de HUIT MOIS (8 mois) D'EMPRISONNEMENT avec SURSIS et à une amende de DIX MlLLE FRANCS (10.000,00 francs),

        * G. P. épouse H. et E. T. épouse C. a la peine de DIX MOIS (10 mois) D'EMPRISONNEMENT avec SURSIS et à une amende te DIX MILLE FRANCS (10.000,00 francs),

        * D. R.Y épouse P. à la peine de UN AN (1 an) D'EMPRISONNEMENT avec SURSIS et à une amende de VINGT MILLE FRANCS (20.000,00 francs),

        Prononce l'interdiction de tous les droits civiques, civils et de famille, à l'exception de ceux visés au 3° de l'article 131-26 du Code pénal pour une durée de CINQ ANS à l'encontre de J.-J. M. et pour une durée de TROIS ANS à l'encontre de C. M. épouse B. et de D. R.Y épouse P.,

        Dit que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal a été donne aux six condamnés dans la mesure de leur présence effective à l'audience à laquelle est rendu le présent arrêt,

        Sur l'action civile,

        - déclare irrecevable l'action en réparation formée par MT. M. en raison des transactions intervenues et rejette sa demande formée en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

        - condamne P. D. épouse G. à payer à P. G. la somme de MILLE CINQ CENTS FRANCS (1.500,00 francs) en réparation de son préjudice matériel, celle de QUATRE MILLE FRANCS (4.000,00 francs) en réparation de son préjudice moral et celle de HUIT MILLE FRANCS (8.000,00 francs) en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais irrépétibles exposés par cette partie civile tant en première instance qu'en cause d'appel,

        Déclare irrecevables ou mal fondées toutes les autres demandes formées par P. G.,

        - déclare irrecevables ou mal fondées toutes les demandes formées par C. D.,

        - confirme les dispositions civiles du jugement ayant condamné J.-J. M. à réparer les préjudices subis à Madame Nelly MONDET veuve VIC et ses enfants mineurs,

        - porte à TRENTE MILLE FRANCS (30.000,00 francs) l'indemnité globale que J.-J. M. devra payer à cette partie civile pour les frais par elle exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,

        - dit que les sommes allouées aux enfants mineurs seront employées en fonds spéciaux de mineurs, sous le contrôle du juge des tutelles de Lyon, auquel sera adressée, à la diligence du greffe, une copie du présent arrêt,

        Condamne J.-J. M., C. M. épouse B., D. R.Y épouse P., P. D. épouse


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G., G. P. épouse H., E. T. épouse C. au paiement du droit fixe de procédure et fixe la durée de la contrainte par corps conformément à la loi,

        Condamne J.-J. M. aux frais d'action civile de Madame Nelly VIC et P. D. épouse G. aux frais d'action civile de P. G.,

        - dit que les sommes versées par C. M. épouse B. et J.-J. M., dans le cadre du contrôle judiciaire seront affectées à due concurrence au paiement des amendes et des dommages et intérêts,

        Le tout par application des articles:
        - 319 ancien et 221-6 nouveau du Code pénal (homicide involontaire)
        - 400 ancien et 312-1 nouveau du Code pénal (extorsion)
        - 2, 3, 42, 59, 60, 405 anciens, 121-4, 121-5 121-6, 121-7 131-26, 313-1, 313-3, 313-7 nouveaux du Code pénal (escroqueries tentative et complicité d'escroqueries)
        - 459, 473, 475-1, 485, 509, 510, 512, 513, 514, 515, 516 749, 750 du Code de procédure pénale.

        Ainsi fait et jugé par Monsieur FINIDORI Président, siégeant avec Monsieur GOUVERNEUR et Monsieur RAGUIN, Conseillers, ayant assisté aux débats et délibéré,

        et prononcé par Monsieur FINIDORI, Président, assisté de Madame CARRON, Greffier, en présence d'un magistrat du Parquet représentant Monsieur le Procureur Général,

        En foi de quoi la présente minute a été signée par Monsieur FINIDORI, Président, et Madame CARRON, Greffier.

[Signature GreffierCARRON][Signature PrésidentFINIDORI]

Tampon : POUR COPIE CERTIFIÉE CONFORME
A L'ORIGINAL
Le greffier en chef
Signature